Crédité d’une cote de popularité inférieure à 30% et confronté à de nouveaux scandales, le premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, devait annoncer, vendredi 1eraoût, un remaniement de son gouvernement. Il souhaite donner un nouvel élan à son action à l’approche d’élections législatives programmées en septembre 2009 mais qui pourraient être avancées. Vendredi, M. Fukuda avait convoqué ses ministres pour une brève réunion à l’issue de laquelle ils ont collectivement présenté leur démission.
La refonte intervient alors que le ministère de la défense est éclaboussé par un nouveau scandale. Le 24 juillet, Naoki Akiyama, personnalité centrale des réseaux entre le monde politique de l’Archipel et les industries de défense, japonaise et américaine, a été arrêté. Il n’aurait pas déclaré quelque 232 millions de yens (près de 1,4 million d’euros), des fonds accordés comme « frais de consultation », notamment par Yamada Corp., société aux agissements douteux, jouant le rôle d’intermédiaire entre les entreprises de l’armement et le ministère de la défense.
Les enquêteurs s’intéressent particulièrement à une partie des sommes touchées, en l’occurrence 100millions de yens perçus auprès de Yamada Corp. Selon les enquêteurs, l’argent a été versé en quatre fois entre 2003 et 2005, par la filiale américaine de Yamada et par la branche européenne d’Avex Aerospace, société de consultants établie aux Etats-Unis.
Ces versements seraient consécutifs à la désignation, en novembre 2003, de Yamada Corp., comme sous-traitant du sidérurgiste Kobe Steel pour s’occuper d’un stock d’obus au gaz abandonné par l’armée impériale japonaise. M. Akiyama aurait également reçu cet argent pour avoir joué de son influence auprès de politiciens du Parti libéral démocrate, le PLD au pouvoir.
L’affaire intervient alors qu’en novembre 2007, l’ancien vice-ministre de la défense Takemasa Moriya a été arrêté pour avoir touché des pots-de-vin de Motonobu Miyazaki, ancien haut responsable de Yamada Corp. En échange, il aurait permis à l’entreprise de décrocher d’importants contrats avec le ministère de la défense, notamment sur la motorisation d’appareils des Forces aériennes d’autodéfense.
Depuis, les enquêteurs épluchent les comptes de Yamada, ce qui leur aurait permis de découvrir des documents liés aux versements accordés à M.Akiyama. Les investigations ont également mis en évidence l’étendue de son réseau, au sein du PLD et des ministères de la défense et des affaires étrangères.
Naoki Akiyama occupe ainsi le poste de directeur exécutif du Centre nippo-américain pour la paix et les échanges culturels, une organisation dans laquelle se côtoient d’anciens responsables de la défense. Sur l’organigramme figure l’ancien ministre de la défense, Fumio Kyuma. L’actuel ministre des finances, Fukushiro Nukaga, qui fut chef de l’agence de défense et surtout l’un des cadres de Yamada Corp., en a également fait partie. Ces deux noms avaient déjà été cités au moment de l’arrestation de Takemasa Moriya.
Le travail des enquêteurs se porterait désormais sur d’éventuels versements accordés aux politiciens réputés proches de M.Akiyama et de Yamada Corp. Fumio Kyuma a déjà affirmé que M.Akiyama « a peut-être touché de l’argent par des moyens douteux. Mais il est impossible que nous ayons empoché des sommes en liquide ».
Cette nouvelle affaire tombe mal pour le ministère de la défense qui a dévoilé, le 15 juillet, un plan de réforme destiné notamment à éviter la récurrence des scandales. Outre l’affaire Moriya, il a été critiqué pour une affaire de fuites d’informations sensibles et la collision entre un navire des Forces maritimes d’autodéfense avec un bateau de pêche.
Le remaniement de vendredi – avec, selon la presse, le remplacement de M. Nukaga par Bunmei Ibeki – doit relancer la popularité du gouvernement Fukuda. Reste à savoir si l’opinion suivra un pouvoir PLD dont elle semble de plus en plus lasse.
Philippe Mesmer
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