YUKA HAYASHI
The Wall Street Journal
NIIGATA, Japon | Pendant des décennies, Yasuji Tsukada a soigneusement entretenu ses rizières en terrasses afin d’y cultiver du riz de première qualité destiné aux consommateurs japonais très exigeants.
Aujourd’hui, cet exploitant agricole âgé de 60 ans doit relever un nouveau défi: cultiver une nouvelle variété de riz en limitant au maximum les dépenses et la maind’oeuvre, et en faisant fide la sapidité et de l’apparence des récoltes.
M. Tsukada est l’un des 360 agriculteurs de cette région renommée pour sa production de riz du centre du Japon, qui participent activement au développement d’un nouveau type de biocarburant. L’an dernier, un groupe de coopératives ag ricoles japonaises, soutenu financièrement par l’État, a mis sur pied un projet visant à transformer le riz en éthanol.
Riz bon marché
Ces coopératives ont demandé à des fermiers tels que M. Tsukada de cultiver une nouvelle variété de riz bon marché à grand rendement, destinée à alimenter la première usine de fabrication d’éthanol à base de riz au monde, laquelle devrait être mise en service en 2009.
Le groupe espère que cette usine expérimentale — dont la moitié des coûts sera défrayée par le gouvernement — lui permettra de déterminer si la production d’éthanol à base de riz est techniquement et économiquement réalisable.
Sur l’île nordique de Hokkaido, Oenon Holdings, un fabricant de boissons alcoolisées qui a fait ses débuts en tant que brasseur de saké, construit une autre usine d’éthanol alimentée au riz, également avec l’aide financière de l’État.
La technologie nécessaire à la transformation du riz en éthanol — également connu sous le nom d’alcool de grain — ressemble beaucoup à celle utilisée dans la fabrication du saké. Selon un porte- parole de la société, Oenon sera en mesure de déterminer la rentabilité du projet au cours des cinq prochaines années.
Coût élevé
À moins que le gouvernement n’augmente ses subventions, le coût associé à la culture du riz s’avère toutefois trop élevé pour rendre la production d’éthanol à base du riz commercialement rentable pour les cultivateurs.
Le pétrole représente 44 % des besoins en énergie du Japon, et la quasi-totalité de son pétrole provient de l’exportation. Avec la flambée des prix de l’or noir, le pays est déterminé à diversifier ses sources d’énergie.
Aux dires des partisans de cette initiative, la production à grande échelle de riz destiné à la fabrication de biocarburant au Japon n’aura aucune incidence à la hausse sur les prix, comme ce fut le cas pour ceux du maïs et de la canne à sucre utilisés dans la fabrication d’éthanol.
Au moment où la production mondiale de biocarburant s’accroît – augmentant chaque année dans une proportion équivalente à quelque 300 000 barils de pétrole par jour – les chercheurs souhaitent mettre au point des biocarburants alimentés par des cultures non alimentaires, telles que le panic raide et le jatrophe, afin d’éviter une plus grande escalade des prix des denrées alimentaires.
Mais comme le riz japonais est coûteux — le résultat de coûts élevés de production et de contrôles sur les prix exercés par le gouvernement — le Japon exporte peu et le marché est largement autonome.
Environnement
Selon le professeur Morita, le biocarburant à base de riz contribuerait à la protection de l’environnement et à la sécurité alimentaire au Japon, en ajoutant une touche de verdure au paysage rural et en permettant de conserver les rizières en bon état pour une reconversion éventuelle à la culture du riz destiné à un usage alimentaire.
Mais les mêmes réalités qui conditionnent le marché japonais du riz – soit les coûts élevés et les inefficacités – risquent de mettre en difficulté la production à grande échelle d’éthanol à partir de riz. La plupart des fermes sont de petites entreprises familiales ne bénéficiant que de quelques hectares de terres. Et bien des rizières sont divisées en petits lots ou établies en terrasses le long des montagnes, rendant l’automatisation des opérations ardue.
M. Tsukada a déjà cessé la culture du riz destiné à la consommation sur près de 3 de ses 30 hectares de terres afin de se qualifier pour des subventions gouvernementales. Il a tenté de cultiver du soya, mais ses terres sont trop humides et la qualité et la quantité des récoltes ont été peu satisfaisantes.
Mesures incitatives
Lorsque les coopératives agricoles locales lui ont suggéré l’an dernier de cultiver du riz pour la production d’éthanol, M. Tsukada, qui s’occupe de la ferme avec sa conjointe et son fils, a décidé de tenter sa chance.
M. Tsukada a obtenu 20 yens (18,5 cents) par kilogramme pour ses récoltes de riz destiné à la fabrication d’éthanol l’an dernier, comparativement à 230 yens (2,13 $US) pour du riz de première qualité destiné à la consommation. Ces sommes ne permettent de défrayer qu’une infime partie de ses coûts de production.
Pour le moment, des mesures incitatives temporaires et des subventions lui permettent de recouvrer en partie les dépenses non couvertes, mais il estime tout de même qu’il sortira perdant.
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Une denrée abondante
Bien que le Japon importe la majorité de ses matières premières et denrées alimentaires, le pays est autosuffisant en ce qui concerne la production du riz et dispose même de surplus.
Un changement au niveau des habitudes alimentaires des Japonais a considérablement réduit la consommation de riz au cours des dernières décennies, mais les subventions gouvernementales et la détermination des ag riculteurs ont contribué à la popularité de la culture du riz.
Les entrepôts regorgent de riz, et les campagnes sont parsemées de rizières en jachère ou converties temporairement à la culture d’autres espèces végétales afin de prévenir la surproduction.
Le Japon pourrait produire annuellement jusqu’à un million de kilolitres d’éthanol à base de riz – l’équivalent de 1,7 % de sa consommation de carburant.
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