La dernière sortie de l’ancien Premier ministre devrait laisser des traces…
Régulièrement accusé, surtout au début de la crise, de rétention d’informations, l’exploitant TEPCO (Tokyo Electric Power COmpany) peine toujours à rétablir la situation sur le site de Fukushima 1 (Japon). Les hausses soudaines des taux deradioactivité, les déboires du dispositif de décontamination des boues radioactives conçu par Areva et l’entreprise américaine Kurion et les incertitudes autour des dommages exacts perpétrés par le tsunami sur le réacteur 3, entre autres, prouvent qu’elle est encore très loin d’être sous contrôle.
La perspective d’un « arrêt à froid » des turbines d’ici janvier prochain a plus que jamais du plomb dans l’aile, la mission de l’électricien est des plus périlleuses et des plus onéreuses et il se trouve qu’il a très tôt pris conscience de l’ampleur du défi. Pressentant lucidement une facture très élevée et, coupable fatalisme, un traquenard inextricable, l’opérateur aurait même envisagé de quitter le navire, en d’autres termes de fuir ses (énormes) responsabilités, dans les jours qui ont suivi l’accident ! Une tentation qui aggrave son cas, après des années d’une gestion pour le moins expéditive des affaires courantes – quand bien même on sait aujourd’hui queTEPCO avait averti les autorités nippones des risques qu’encourait la centrale de Fukushima 1 en cas de méga-raz-de-marée – et d’allégations à l’optimisme mensonger auprès des populations.
Elle a été révélée par Naoto Kan en personne. Rangé des voitures depuis la fin du mois dernier, l’ancien Premier ministre aurait été glacé d’horreur en apprenant de la bouche de l’ex-ministre du Commerce Banri Kaieda que la direction de TEPCO était disposée à retirer son personnel de l’unité accidentée… pour ensuite abandonner cette dernière à son triste sort. « Il n’en était pas question. Si cela s’était produit, Tokyo serait déserte aujourd’hui. Ce fut un moment critique pour la survie du Japon », a-t-il confié à nos confrères du Tokyo Shimbun dans une interview pathétique. Et le prédécesseur de Yoshihiko Noda de reconnaître avoir redouté un accident nucléaire plus grave encore que celui de Tchernobyl (Ukraine) et envisagé l’évacuation de quelque trente millions d’individus habitant dans et autour de la capitale, décision qui de son propre aveu aurait « compromis l’existence même de la nation japonaise ».
« Nous ne recevions pas d’informations précises »
Effrayantes, les révélations de l’ancien chef du gouvernement ajoutent surtout au scepticisme qui entourait déjà l’action de l’exploitant, lequel aurait durant la première semaine qui a suivi le drame mésestimé les dégâts sur les systèmes de refroidissement, totalement paralysés, et par voie de conséquence douté de la fonte des barres de combustible, en plus de ne pas avoir transmis les informations aux décideurs en temps et en heure.
L’ancien président de TEPCO Masataka Shimizu n’aurait même « jamais rien dit clairement » à M. Kan, qui s’est résolu à prendre le taureau par les cornes en survolant la centrale en hélicoptère au lendemain du tsunami. « J’y suis allé parce que nous ne recevions pas d’informations précises. Je sentais que je devais y aller en personne et parler aux responsables sur place, sinon je n’aurais jamais su ce qui se passait », a-t-il ajouté, évoquant également des tensions avec les autorités américaines, qui plaidaient pour une zone d’exclusion plus importante que le premier périmètre défini par le gouvernement japonais et se seraient demandées si celui-ci prenait vraiment la catastrophe au sérieux.
Jugeant les risques trop élevés, l’ex-Premier ministre a enfin réitéré sa volonté de voir le pays du soleil levant abandonner l’énergie atomique. Son successeur, qui a fait du redémarrage des réacteurs aujourd’hui à l’arrêt une priorité, ne l’entend pas de cette oreille. Pour le moment…