Les géants nippons de l’électronique grand public ont profité de l’IFA, l’une des premières foires mondiales du secteur, qui a débuté mercredi 1er septembre à Berlin, pour multiplier les annonces de nouveautés : tablettes numériques, télévision connectée et surtout 3D. Ce n’est pas encore une revanche, mais ils retrouvent des positions significatives à l’échelle mondiale, aux côtés de leurs grands rivaux sud-coréens. Depuis 2005, ces derniers avaient pris l’avantage sur le créneau des téléviseurs à écran plat.
Une ambition nouvelle qui suit l’annonce de résultats en net progrès entre avril et juin. Panasonic, qui a pris le contrôle fin 2009 de son compatriote Sanyo, a dévoilé un bénéfice net de 44 milliards de yens (405 millions d’euros) pour un chiffre d’affaires en hausse de 35,5 % sur un an. Sharp a vu ses ventes progresser de 24 % à 742 milliards de yens. Celles du numéro un japonais du secteur, Sony, ont grimpé de 4 % sur un an à 1 661 milliards de yens et il a dégagé des profits contre des pertes un an plus tôt. Ces bons résultats découlent d’efforts de restructuration importants (en particulier chez Sony) et de la très forte demande mondiale pour les téléviseurs à écran plat.
{{{Guerre des contenus}}}
Le temps où Sony devait s’associer au sud-coréen Samsung pour démarrer une production de téléviseurs à cristaux liquides semble révolu. Aujourd’hui, il affiche des objectifs ambitieux, fondés sur la 3D, une activité qui doit, selon ses dirigeants, lui permettre de dégager 1 000 milliards de yens (9,2 milliards de yens) de revenus à l’exercice 2012. A Berlin, le groupe a dévoilé une gamme élargie de téléviseurs 3D, mais aussi des appareils photo et un rétroprojecteur dotés de cette technologie. Ces produits seront mis sur le marché d’ici à Noël. Le groupe, qui s’apprête à lancer une télévision connectée à Internet avec Google, a aussi annoncé le lancement d’un service de vidéo et de musique à la demande, accessible depuis ses téléviseurs, ses PC et sa console de jeu, la PS3. Panasonic a présenté le premier Caméscope grand public permettant de réaliser des films en 3D.
« L’avance des Coréens était très forte il y a quelques années dans la technologie d’écrans à cristaux liquides (LCD). Il est normal que leur part de marché progresse moins vite, note David Hseih, responsable de la recherche pour l’Asie au cabinet DisplaySearch. Dans la 3D, la guerre se jouera sur les contenus. A cet égard, Sony est plutôt bien positionné, avec ses studios de cinéma, sa major et sa division jeux vidéo. »
Pourtant, si la 3D permet aux groupes japonais de rivaliser à nouveau avec leurs concurrents sud-coréens, rien ne dit qu’elle aura un succès comparable à celui du passage des téléviseurs à tube cathodique aux écrans plats. Le cabinet DisplaySearch prévoit 22 millions de téléviseurs 3D vendus en 2012, seulement 10 % du total des ventes.
{{{Se positionner sur l’avenir}}}
Car la 3D souffre de l’absence de contenus. « Il n’y a que quelques heures de programmes et films disponibles », constate Paul Gray, directeur de recherche chez DisplaySearch. A cela s’ajoute l’inconfort des lunettes – l’industrie fantasme sur une technologie sans lunettes, mais personne n’y est parvenu. La 3D ne « représente pas encore un facteur de renouvellement des téléviseurs », estime un expert au Japon.
Se lancer sur la 3D, c’est surtout le moyen de se positionner pour l’avenir. « Pour Sony, c’est un moyen de revitaliser son créneau télévision, juge Paul Gray. Panasonic y voit un avantage pour mettre en avant sa technologie plasma, qui serait mieux adaptée à la 3D que le LCD. Et Sharp souhaite reproduire en Europe et aux Etats-Unis son succès au Japon. »
Mais ils doivent agir vite. Samsung, premier vendeur mondial de téléviseurs, dispose d’une impressionnante capacité à commercialiser rapidement de nouveaux produits. Le géant sud-coréen, qui détient 24 % du marché mondial des téléviseurs, devant son compatriote LG, promet 25 produits différents compatibles 3D avant la fin de l’année. « Les Japonais sont les premiers à avoir parlé de la 3D, mais ce sont nos produits que l’on voit surtout en magasin », assure Stéphane Cotte, directeur de la division audio-vidéo de Samsung en France.
En plus, les bons résultats du deuxième trimestre ont en partie bénéficié du programme d’éco-points (qui permettent de gagner des bons d’achats pour chaque produit éco-responsable acheté) mis en place par le gouvernement japonais pour soutenir le secteur. Programmé en décembre, l’arrêt de ces mesures inquiète et le gouvernement a évoqué mardi 31 août une prolongation de trois mois.
« Quand il s’arrêtera, cela pourrait avoir un effet négatif, un peu comme avec la prime à la casse en France », analyse Philippe Delahaye, président de Toshiba France. Des groupes comme Sharp ou Toshiba qui sont encore assez dépendants de leur marché intérieur, risquent d’en souffrir particulièrement. De plus, la hausse du yen face au dollar et à l’euro reste handicapante : si les volumes de ventes venaient à faiblir, elle pourrait plonger les groupes nippons dans le rouge.
{{Cécile Ducourtieux et Philippe Mesmer pour}} [lemonde.fr->http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/09/06/la-television-3d-redonne-de-l-espoir-aux-geants-japonais-de-l-electronique_1407346_651865.html]