YOKOSUKA (Japon) – L’arrivée au Japon d’un porte-avions à propulsion nucléaire américain suscite le trouble dans le seul pays victime de bombardements atomiques, et des opposants conseillent à la population de se préparer contre d’éventuelles fuites radioactives.
L’USS George Washington, qui va accoster jeudi à Yokosuka, près de Tokyo, sera le premier porte-avions à propulsion nucléaire basé dans un port japonais.
L’armée américaine a justifié le stationnement de ce gigantesque navire dans l’archipel en raison de la tension qui prévaut en Asie orientale.
Le bateau dispose de deux réacteurs nucléaires lui assurant une autonomie complète en mer de 18 ans et de 70 avions à bord. Il va remplacer le vieux porte-avions à propulsion diesel USS Kitty Hawk, basé au Japon depuis des années et qui doit être réformé.
Une manifestation est prévue jeudi pour « saluer » le nouveau venu, après une marche de 200 opposants dimanche autour de la base américaine de Yokosuka.
« C’est la première fois qu’un navire à propulsion nucléaire va stationner dans une zone aussi peuplée », dénonce Tamio Eda, un responsable d’un collectif de citoyens.
Yokosuka se trouve à la pointe sud de la mégalopole de Tokyo, considérée comme la plus vaste conurbation au monde avec quelque 35 millions d’habitants.
« Pour assurer la sécurité de tous, il aurait mieux valu que ce bateau ne vienne pas », explique M. Eda. « Maintenant, nous devons nous préparer à un possible accident » nucléaire entraînant une forte radioactivité, prévient-il.
Son mouvement appelle la population à se procurer du sirop à l’iode radioactif, un remède qui prévient le développement du cancer de la thyroïde, notamment pour les enfants.
Les craintes de la population ont été renforcées en août lorsque le gouvernement japonais a annoncé qu’un sous-marin nucléaire américain avait laissé s’échapper de l’eau radioactive pendant deux ans, au cours desquels il avait fait au moins une douzaine d’escales dans trois ports de l’archipel.
La marine américaine a assuré que le public ne courait aucun risque.
La nouvelle a toutefois suscité l’inquiétude, d’autant qu’un incendie avait auparavant frappé l’USS George Washington au large de l’Amérique du Sud. Une quarantaine de marins ont été blessés dans cet incident qui a retardé l’arrivée du porte-avions au Japon. Le commandant du bateau a été relevé de ses fonctions.
Un haut dirigeant de l’US Navy est venu à Tokyo la semaine passée pour certifier la sécurité du navire auprès des autorités japonaises, qui ont salué l’arrivée du porte-avions.
« Il est scandaleux que le gouvernement fasse fi des inquiétudes du public », a fustigé Masahiko Goto, d’un autre collectif d’habitants.
« Nous continuerons de demander le départ du porte-avions ».
Un groupe autodénommé « Armée révolutionnaire » a revendiqué une attaque près de la base américaine de Yokosuka à la mi-septembre. Deux explosions, vraisemblablement causées par des tirs de roquette, avaient endommagé le toit d’une maison. Le mouvement a promis de s’opposer à la venue du navire « par la force ».
Le Constitution japonaise interdit à Tokyo de développer la technologie nucléaire militaire, mais le pays est équipé de centrales nucléaires civiles. Une série d’incidents récents a entamé la confiance de la population.
Les Japonais restent marqués par les bombardements atomiques américains à Hiroshima et Nagasaki (sud-ouest), qui avaient tué plus de 210.000 personnes à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Quelque 40.000 soldats américains sont aujourd’hui basés dans l’archipel au nom d’un traité de sécurité entre les deux pays.
AFP