{{Un Japonais veut rappeler à la vie ce mastodonte de l’ère glaciaire. À quoi bon ? La Sibérie est en train de fondre…}}

C’est l’idée scientifique la plus farfelue du siècle : vouloir rappeler à la vie le mammouth laineux alors que le climat est justement en train de se réchauffer ! Si j’avais un conseil à donner au Japonais Akira Iritani, 83 ans, à l’origine de ce projet, ce serait de choisir une espèce en adéquation avec le réchauffement actuel : le lion d’Europe ou encore l’éléphant de Grande-Bretagne. C’est vrai qu’il n’a pas trop le choix : de nos jours, il n’y a que le mammouth congelé de Sibérie qu’on puisse encore trouver dans un état génétiquement utilisable.

Akira Iritani est loin d’être un Tournesol japonais, c’est même l’un des plus célèbres biologistes vivants. C’est lui qui a procédé en 1979 à l’une des premières fécondations in vitro chez l’animal (porc et bétail) après une maturation in vitro de l’ovule ; c’est encore lui qui, en 2004, est le premier à greffer un gène végétal dans un animal (un gène d’épinard dans un cochon !). Le clonage d’un mammouth le poursuit depuis les années quatre-vingt-dix. Il veut être le premier à faire revivre une espèce éteinte. Même si l’extinction est relativement récente, puisque les derniers mammouths laineux ont, sans doute, été exterminés par l’homme à l’époque de Toutankhamon (il y a quelque 4 000 ans) sur l’île de Wrangel (Sibérie).

{{{22 mois de gestation}}}

Déjà en 2002, Iritani avait cru pouvoir rapidement parvenir à ses fins. Associé à des scientifiques russes, il avait parcouru en long et en large la Sibérie à la recherche d’un mammouth congelé sitôt après sa mort espérant y retrouver de l’ADN encore opérationnel. Ou encore mieux, du sperme qui se serait remis à gigoter après réchauffement. Mais il avait fait chou blanc.

Le voilà donc encore une fois en chasse avec de nouveaux partenaires russes et fort d’une technologie qui a fait d’énormes progrès en neuf ans. Il vient de trouver dans un laboratoire sibérien un mammouth suffisamment bien conservé par le froid pour faire l’affaire. Voici comment notre apprenti démiurge compte procéder : d’abord, prélever plusieurs noyaux de cellule du mammouth congelé, puis les introduire dans des cellules d’éléphant préalablement énucléées. Ainsi disposera-t-il des cellules de pachyderme contenant un ADN de mammouth. Il lui faudra alors les transformer par toutes sortes d’opérations délicates en embryons. Ceux-ci n’auront alors plus qu’à être implantés dans l’utérus d’une éléphante, et de prier pour qu’au bout de 22 mois un bébé mammouth voie le jour.
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Un ADN de plusieurs millénaires}}}

Cette technique a déjà fonctionné avec des souris congelées depuis seize ans. Mais qu’en sera-t-il avec un mammouth mort depuis plusieurs millénaires dont l’ADN a peu de chance d’être encore intact ? Quand bien même, de récents travaux montrent que le cytoplasme présent dans les ovules joue également un grand rôle dans la formation de l’embryon. Or, dans le cas présent, le cytoplasme sera celui d’un éléphant.

En fait, certains chercheurs pensent qu’il y aurait un moyen plus simple de recréer un mammouth laineux, ce serait de partir du génome d’un éléphant ordinaire qui est finalement proche de celui d’un mammouth laineux puisque les deux espèces ne se sont séparées qu’il y a 2 millions d’années au maximum. En modifiant quelques gènes dans un embryon d’éléphant, il serait théoriquement possible de le transformer en mammouth.

Maintenant, quel intérêt peut-il y avoir à se livrer à ces manipulations ? Un animal, à lui seul, ne peut recréer une espèce entière. Et quand bien même, l’urgence ne serait-elle pas d’abord de sauver de l’extinction les espèces menacées de disparition plutôt que d’en rappeler à la vie ? Ce n’est pas à un Japonais que je ferai l’affront de rappeler qu’il vaudrait plutôt mieux arrêter la chasse à la baleine aujourd’hui, plutôt que d’avoir à cloner l’espèce dans quelques décennies…

{{Par Frédéric Lewino}}

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