L’abaissement de la note à long terme du Japon doit inciter Tokyo à agir au plus vite pour rétablir l’équilibre budgétaire, estiment des analystes, d’autant que le vieillissement de la population nippone pourrait vite creuser l’endettement.
« L’important est que nous maintenions la discipline budgétaire pour conserver la confiance du marché », a assuré vendredi le Premier ministre, Naoto Kan, au lendemain de la décision de l’agence de notation financière Standard and Poor’s de réduire d’une cran son appréciation de la dette à long terme du pays, de AA à AA-.
L’endettement du pays, la troisième économie mondiale, atteint en effet quelque 200% du Produit intérieur brut, un record parmi les pays développés.
« Le gouvernement Kan doit sans délai définir une feuille de route pour réformer les impôts et la sécurité sociale », s’est alarmé le quotidien économique Nikkei dans son éditorial, soulignant que le Japon devait regarder la vérité en face comme le font les pays européens.
« Le Japon doit partager ce sentiment d’urgence et s’occuper de ce problème avant que les marchés financiers ne commencent à s’énerver », a ajouté le journal des milieux d’affaires.
Les économistes s’accordent sur le fait que la situation du Japon n’est pas comparable à celle des pays européens à qui les marchés imposent des taux d’intérêts élevés, aggravant leur situation financière.
« Avec AA-, la note du Japon reste un cran au-dessus de l’Italie, trois au-dessus du Portugal et sept au-dessus de la Grèce », souligne Julian Jessop, analyste à Capital Economics.
« Le Japon a de larges réserves de changes et son économie est vaste et diversifiée. Il a sa propre monnaie de réserve, dispose d’une politique budgétaire et monétaire indépendante et d’un secteur financier solide. Enfin, le pays s’appuie quasi exclusivement sur des investisseurs nationaux pour financer la dette publique, le rendant peu vulnérable aux caprices des marchés financiers », énumère M. Jessop.
Mais, ajoute-t-il, l’archipel est confronté à la bombe à retardement du vieillissement de sa population.
« Le temps est compté: non seulement les +baby-boomers+ retraités vont réduire leur épargne, ce qui limitera la demande pour les bons du trésor, mais ces personnes âgées pèseront en outre sur les dépenses pour les pensions et la santé, augmentant le déficit », prévient-il.
Le Premier ministre de centre-gauche a promis une réforme fiscale d’ampleur, qui pourrait comprendre une hausse de la taxe sur la consommation, aujourd’hui fixée à 5%, afin de garantir le financement des retraites et l’équilibre des finances publiques.
Mais les marges de manoeuvre de M. Kan sont limitées depuis que son parti à perdu le Sénat, où l’opposition conservatrice est majoritaire.
« L’équipe de M. Kan doit agir dès maintenant », prévient pourtant Hideki Matsumura, économiste à l’Institut de recherche du Japon. « Sans mesures efficaces, il est clair que le pays se retrouvera dans une impasse d’ici cinq ou dix ans ».
Le budget de l’Etat repose pour près de moitié sur la vente de nouvelles obligations. L’an passé, M. Kan s’est engagé à limiter à 44.300 milliards de yens (400 milliards d’euros) les émissions annuelles de nouveaux bons du Trésor, soit leur niveau de l’année budgétaire 2010, au moins jusqu’à l’exercice 2013, mais les experts jugent cette promesse difficilement tenable.
Les trois agences de notation S&P, Moody’s et Fitch ont actuellement fixé à « stable » la perspective de la note du pays (située un cran en dessous chez S&P par rapport à ses deux concurrentes). Mais sans résultat concret à brève échéance, elles pourraient modifier leur appréciation.
« Si la note est abaissée de nouveau, les investisseurs étrangers vendront leur bons du trésor japonais, poussant les autorités à émettre de nouvelles obligations juste pour couvrir le coût des intérêts », juge Teppei Ino, économiste à la banque Mitsubishi UFJ.
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