La mangaka et cantatrice japonaise Riyoko Ikeda, invitée exceptionnelle du Festival d’Angoulême, a expliqué à ses fans comment son oeuvre la plus célèbre, « La Rose de Versailles », était née voici près de 40 ans dans un pays où son audace choquait et risque encore la censure.
A 63 ans, celle qui est considérée au Japon comme un trésor national vivant, a confié que son manga mettant en scène la reine française Marie-Antoinette, mais aussi un travesti inspiré du Chevalier d’Eon, avec des scènes à forte ambiguïté sexuelle, pourrait tomber sous le coup d’une loi de protection des mineurs au Japon.
« Il était hardi dans les années 70, dans un manga pour jeunes filles, de décrire comment Louis XVI et Marie-Antoinette n’avaient pas consommé leur mariage pendant sept ans, du fait d’une malformation du roi, ou de figurer le mariage entre deux de mes héros qui semblaient être des hommes », a-t-elle rappelé en souriant.
Exporté dans le monde entier, sauf aux Etats-Unis, le manga en dix volumes « Versailles no Bara » (« La Rose de Versailles »), créé à partir de 1973 et traduit en français trente ans plus tard, est peut-être plus connu dans l’Hexagone dans sa version dessin animé sous le titre « Lady Oscar », diffusée et rediffusée à plusieurs reprises à la télévision depuis 1986.
Son succès a été tel que de nombreuses adaptations en ont été aussi tirées à la radio et en comédie musicale. Il a aussi considérablement popularisé la culture française au Japon.
En 1978, le cinéaste français Jacques Demy en a fait un film, en langue anglaise, sur une musique de Michel Legrand, appelé lui aussi « Lady Oscar ». Très populaire au Japon et dans toute l’Asie, il n’a quasiment pas été distribué en France. Le DVD est actuellement réédité. Le désormais célèbre Lambert Wilson y tenait un petit rôle.
Mme Ikeda, qui a repris à 47 ans des études musicales et mène aujourd’hui une carrière de chanteuse lyrique, doit se produire lundi au Petit Trianon du château de Versailles, où elle interprétera des pièces composées pour Marie-Antoinette. La veuve de Jacques Demy, Agnès Varda, y assistera.
« Il y a 40 ans, il était très mal vu pour une femme de travailler, et encore plus de dessiner des mangas, considérés comme un poison pour les enfants. J’avais 20 ans et, pour moi, inventer le personnage d’Oscar, une femme travestie en homme afin de se réaliser, était un symbole de l’oppression des femmes, au XVIIIe siècle en France, comme au Japon au XXe siècle », a expliqué Riyoko Ikeda, qui s’exprimait en japonais.
L’artiste a aussi créé des mangas autour de la reine Christine de Suède et de l’impératrice de Russie Catherine II, toutes deux féministes avant l’heure selon Mme Ikeda et tenues de se comporter en homme pour asseoir leur pouvoir.
« J’ai aussi réalisé un manga sur Napoléon, un personnage historique controversé qui me fascine. A chaque fois que je vais à Paris, je fais un pèlerinage sur son tombeau aux Invalides et j’ai parcouru tous les champs de bataille de l’époque. J’ai aussi repris à pied la Route Napoléon », dans le sud-est de la France, a-t-elle assuré, en dévoilant au public la Légion d’honneur française, créée par l’Empereur, dont elle a été décorée en 2008.
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