Beaucoup ont fui mais lui est resté. Des centaines de patients dans la ville de Minamisoma, près de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, n’oublieront jamais le courage d’un médecin de 72 ans, qui accomplit là le dernier chapitre de sa carrière.
Depuis l’accident de la centrale il y a neuf semaines, le docteur Kyohei Takahashi a fait fi des craintes de radioactivité et travaille sans relâche pour accomplir ce qu’il considère être son devoir.
En tant que docteur, j’ai pensé que je ne pouvais pas m’enfuir, déclare-t-il. Je me suis dit: +si je ne reste pas, qui le fera?+.
D’autres praticiens ont fermé leur cabinet après l’accident de la centrale Fukushima Daiichi (N°1), située à 25 km au sud de Minamisoma, après le séisme et le tsunami géant du 11 mars.
C’était la panique totale, se souvient le Dr Takahashi. Les téléphones ne fonctionnaient plus, les magasins étaient fermés, les gens avaient disparu et aucun hôpital était ouvert à part celui-ci. La ville était complètement morte.
Le médecin, gynécologue, reçoit tous ceux qui le réclament, notamment des personnes âgées qui n’ont pas voulu quitter la ville comme le conseillait le gouvernement.
Avec quatre employés de la clinique, il a examiné quelque 120 patients par jour, dont beaucoup souffraient de pneumonie causée par des températures frigorifiques, l’absence d’électricité, d’eau courante et de nourriture suffisante.
Les médecins sont là pour travailler dans ce genre d’environnement défavorable, souligne le vieux praticien. C’est ma mission, c’est d’ailleurs peut-être le dernier chapitre de ma carrière.
Minamisoma, qui comptait plus de 70.000 habitants, est devenue quasiment une ville fantôme après le tsunami de 14 mètres de haut qui a provoqué une panne des circuits de refroidissement de la centrale, entraînant d’importantes fuites radioactives.
Lorsque les médicaments et autres équipements médicaux sont venus à manquer, le Dr Takahashi a frappé à toutes les portes, y compris celle du Premier ministre Naoto Kan à Tokyo.
Ses efforts ont convaincu certains de revenir sur place.
J’ai décidé de revenir parce que le Dr Takahashi, lui, était resté, explique Yaeko Aihara, 74 ans, une de ses patientes. Nous avons vraiment besoin de médecins dans une situation comme celle-ci.
Le praticien japonais et certains de ses confrères, restés sur place, ont été rejoints par des collègues étrangers.
Une équipe venue de Thaïlande soigne les maladies infectieuses parmi les enfants qui vivent dans des refuges. La première arrivée sur les lieux venait de Jordanie, pour travailler là aussi dans les refuges.
Les gens ici sont en souffrance car ils ont dû quitter leur logement et vivent maintenant dans un espace limité et surpeuplé, explique Omar Nayel Zubi, un médecin jordanien de 50 ans.
Les niveaux de radiations qui émanent de la centrale sont assez bas, même à cet endroit situé à seulement 25 km de l’accident, ajoute son collègue, Mohammed Rashaideh, 34 ans.
Selon Shinya Takase, le médecin japonais qui dirige l’équipe dans le gymnase scolaire de Minamisoma, le soutien de ces docteurs venus de l’étranger a été précieux, pour la santé des habitants mais aussi pour le moral de ceux qui sont paralysés par la peur liée à l’accident nucléaire.
Ils ont montré qu’on pouvait continuer à exercer ici sans courir de risque, souligne le praticien japonais.
Ils sont venus depuis l’autre côté de la planète. Nous les remercions profondément. Je suis rassuré car je suis en bonne santé grâce à ces spécialistes, déclare Kazuya Murata, 70 ans, qui est l’un des évacués de la zone autour de la centrale.
FUKUSHIMA (Japon) – (©AFP / 17 mai 2011 06h13) – [Article original sur romandie.com->http://www.romandie.com/news/n/_Pres_de_la_centrale_medecins_japonais_et_etrangers_font_fi_des_radiations170520110605.asp]