Du bon cru pour l’eau
· Les Japonais présentent leur nouvelle stratégie
· Pour la partie marocaine, il faut passer aux projets structurants
· Priorité à la reconstitution des nappes phréatiques
LA coopération maroco-japonaise est ancienne. Rien que l’aide publique accordée au Maroc par le pays du soleil levant remonte à plus de 30 ans. Plusieurs secteurs ont bénéficié de cette coopération, notamment l’aménagement des infrastructures, l’eau potable, l’électricité ainsi que la pêche. Au terme de ces trois décennies, plus de 15 milliards de DH ont été accordés sous forme de crédits concessionnaires.
A ce montant s’ajoutent plus de 2,2 milliards de DH de dons non remboursables. L’eau figure en tête des secteurs financés par le Japon: plus de 5 milliards de DH sous forme de crédit et 300 millions de DH au titre de dons durant 30 années. Pour donner un nouveau souffle à cette coopération, une mission de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica) est arrivée au Maroc le 28 août dernier pour une visite de travail jusqu’au 6 de ce mois. «L’objectif est de présenter aux partenaires marocains les nouvelles perspectives de coopération dans le domaine de l’eau», souligne Toshimichi Aoki, représentant résident de la Jica à Rabat. Et d’ajouter qu’à partir du premier octobre prochain, cette coopération sera pilotée par la nouvelle Jica fruit d’une opération de fusion entre l’agence et la Banque japonaise de coopération internationale (JBIC).
«Grâce à cette fusion, notre institution deviendra la plus grande agence de développement bilatéral dans le monde avec un budget annuel de 10 milliards de dollars», indique Aoki. Les grands axes de la stratégie de la nouvelle Jica en matière de l’eau ont été présentés par Kenji Nagata, conseiller supérieur au niveau de l’agence. Pour ce dernier, l’objectif est d’arriver à un usage rationnel de l’eau à travers une gestion intégrée de cette ressource basée sur la pérennité, l’efficacité et un usage équitable par les différentes régions du pays. Le programme déjà réalisé par l’agence durant ces dernières années s’inscrit dans cette vision. Sur ce point, le conseiller japonais a rappelé les actions menées par son organisme dans les domaines de l’alimentation en eau. Ainsi, la Jica a contribué au financement des projets d’alimentation en eau potable (AEP) au profit de 21 villes dont Safi et Agadir. Le monde rural figure également au menu avec 1.370 villages. La coopération nipponne a contribué aussi à la réalisation des petites stations de traitement des eaux usées pour trois villes. Le volet de l’irrigation est aussi concerné en vue de rationaliser l’utilisation de la ressource. Sous forme de prêts, les Japonais ont financé, à partir de 1996, l’équipement de près de 20.000 ha de superficie irriguée dans les plaines de Doukkala. Pour les prochaines années, les responsables japonais ne disposent pas encore du détail sur l’enveloppe de crédits et de dons qui sera accordée au Maroc. Ils estiment cette aide à un milliard de dollars par an, soit près de 8 milliards de DH, mais pour tous les secteurs y compris celui de l’eau. Sur ce point, les experts marocains recommandent de passer à un niveau avancé dans le cadre de cette coopération pour la réalisation des projets structurants. «Sur le plan technique, on maîtrise parfaitement les enjeux du secteur et les défis à relever. Pour cela il nous faut surtout des moyens financiers», précise un spécialiste marocain. Pour lui, à l’avenir, cette coopération ne devrait pas se focaliser surtout sur la réalisation des études qui absorbent une grande partie des dons. Sur ce point, il souligne que la totalité d’un don, soit 30 millions de DH, a été consacrée à la réalisation d’une étude sur la gestion intégrée des ressources en eau. «Ce travail a été confié à un bureau d’étude japonais», avance la même source. Les domaines prioritaires de coopération ont été soulevés par El Mehdi Benzekri, secrétaire général du département chargé de l’eau et de l’environnement. Il s’agit en particulier des secteurs du traitement des eaux usées et celui de la sauvegarde des nappes souterraines. Concernant le premier point, Benzekri considère que c’est aberrant pour le Maroc, pays semi-aride, de continuer à jeter les eaux usées dans la mer. «Les volumes sont estimés à plus de 400 millions de m3 par an, c’est l’équivalent de la capacité de deux petits barrages», explique le responsable marocain. Pour remédier à cette situation, il faut développer le traitement de l’eau au niveau de toutes les villes. Ce qui permettra son recyclage pour l’irrigation et l’arrosage des espaces verts. Dans ce cadre, le département de l’eau a déjà lancé deux projets pilotes. Le premier à Marrakech dont les travaux sont bien avancés. Le second concerne la ville de Fès pour lequel le marché est en cours de préparation après avoir réglé le problème de financement. Une étude vient aussi d’être lancée pour examiner le cas de Rabat.
Recharge
LA recharge des nappes phréatiques préoccupe experts et pouvoirs publics marocains.
Dans ce domaine la coopération japonaise est vivement sollicitée. La surexploitation des ressources souterraines a entraîné une dégradation gravissime des réserves de la nappe.
A titre d’exemple, la nappe du Souss-Massa a accusé un rabattement de 24 mètres en l’espace de 34 ans et celle de la plaine du Saïss de 64 m en moins d’un quart de siècle. Pour y remédier, des procédés de recharge existent et méritent d’être testés au Maroc.
Nour Eddine EL AISSI
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