La compagnie Dairakudakan qui jouera à la Maison de la Culture du Japon à Paris du 4 au 20 juin : « Ode à la chair » et « La Planète des insectes » est bien arrivée sur le sol français. Retrouvez ici l’interview d’Emiko Agatsuma qui revient sur la pièce « Ode à la chair » et d’Akai Maro parlant de « La Planète des insectes » par Aya Soejima à Tôkyô, en décembre 2014, pour la Maison de la Culture du Japon à Paris.
Interview d’Emiko Agatsuma
«Ode à la chair» fait partie de la série Kochûten où Akaji Maro encourage les membres de la compagnie à chorégraphier une pièce. Comment cela fonctionne ?
« Si un danseur a réellement envie de créer une pièce, il peut présenter son projet à la compagnie qui peut le soutenir quelle que soit son ancienneté dans la troupe. En ce qui me concerne, cette envie vient en général après trois ans d’accumulation d’expériences, de gestes et de plein d’autres choses. « Ode à la chair » est ma troisième création. Nous répétons quelques semaines entre nous et 10 jours avant la première, Akaji Maro assiste au filage. Il nous donne des conseils mais nous pose également beaucoup de questions ».
Comment vous avez conçu « Ode à la chair » ?
« J’avais envie de créer une pièce sur les femmes, sur quelque chose de positif comme la fertilité, le cycle de la vie, celui de la nourriture dans notre corps, et la renaissance. Mais aussi sur les cycles liés à la Nature comme les marées. J’avais mes propres images, qui étaient parfois assez concrètes, mais il était important de les transmettre au public sans les expliquer. L’équilibre est dur à trouver. Les spectateurs peuvent voir des images différentes et c’est tant mieux. L’image de la femme est souvent associée à quelque chose d’humide, celle de l’homme à quelque chose de sec. J’ai voulu créer une pièce « sèche » sur les femmes. »
Et vous y êtes parvenue ?
« Non. Lors du premier filage, Akaji Maro m’a demandé : « Qu’est-ce qu’elles sont en train de saluer, ces filles-là ? ». J’ai répondu : « La mer ». Et il m’a dit : « Alors, tu as créé une pièce sur la catastrophe, c’est ça ? ». Bouleversée par cette question, j’ai quitté la répétition en pleurs, laissant tout le monde perplexe. Je suis née dans le Nord du Japon dans une ville dont la moitié faisant face à l’océan a été dévastée par le tsunami en 2011. Juste après la catastrophe, j’y suis allée pour nettoyer les rues, enlever la boue. Les paysages dans lesquels j’ai grandi étaient complètement dévastés. J’ai eu l’impression qu’on m’avait amputé la moitié de mon corps. Depuis, je me suis toujours dit que je n’étais pas prête à traduire dans un spectacle ce sentiment trop douloureux. Je n’arrivais pas à croire ceux qui expriment à travers des œuvres leur vécu de la catastrophe. Pour moi, soit ils prenaient la chose à la légère, soit ils avaient de vrais problèmes dans leur tête. La remarque d’Akaji Maro a pointé une chose que je ne voulais pas montrer, que je pensais avoir habilement caché. Cette envie de deuil et d’hommage à la catastrophe s’est dévoilée malgré moi à travers cette pièce dédié aux femmes »
Quelques questions à Akaji Maro.
Pourriez-vous nous expliquer le choix du décor ?
« Quand on parle d’insectes, on pense notamment aux cages à insectes. La cage, c’est le lit-cage des enfants, c’est aussi la prison ; un endroit où quelque chose est contrôlé. Pour moi, la cage évoque également les ombres quadrillées des cloisons coulissantes en papier, quand la lumière passe à travers. C’est une image nostalgique typiquement japonaise. Ces images ont été le point de départ pour la conception du décor. J’ai souvent utilisé des matériaux tels que le papier ou le bois. Mais cette fois-ci, je voulais du métal sur scène pour apporter une touche SF. Le son du métal se marie bien avec l’univers musical de Jeff Mills ».
Une des méthodes de votre compagnie est la « collecte des gestes », celle basée sur l’idée que dans les gestes anodins de toute personne, il existe un début de danse. Comment procédez-vous pour en faire une danse ?
« C’est plus amusant de rechercher ces gestes avec mes danseurs et de les intégrer dans une pièce que de concevoir tout seul la chorégraphie. Pendant les répétitions, il m’arrive de mettre de la musique pendant une durée déterminée et de les observer danser. Tous les danseurs sont intéressants, mais quand leur façon de danser commence à se figer, ce n’est pas bon. C’est pourquoi je m’amuse davantage avec les débutants. Lorsque quelqu’un se tortille par timidité, je savoure ses mouvements. »
Cela fait 42 ans que vous dirigez cette compagnie. Comment votre danse évolue-t-elle ?
« On ne danse pas de la même manière quand on s’essouffle plus facilement ! C’est pourquoi, depuis l’âge de 60 ans, je cherche des gestes dont la force réside dans l’absence de force. Il faut pour cela être assez rusé. »
Source : La Maison de la Culture du Japon à Paris
Pour plus d’informations :
- Date : du 4 au 20 juin
- Lieu : Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis quai Branly, 75015 Paris
- Tarifs :
– « Ode à la chair » : Tarif 15 € / Réduit 13 € / Adhérent MCJP 11 €
– « Planète des insectes » : Tarif 20 € / Réduit 18 € / Adhérent MCJP 16 € - Réservation: 01 44 37 95 95
- Lien utile : Dairakudakan