Depuis plus d’une semaine, l’Opéra de Lausanne effectue sa première tournée lyrique au Japon. Accompagné de l’Orchestre de chambre de Lausanne et des danseurs de Béjart, il doit donner quinze représentations de «Carmen».
La tournée, qui durera jusqu’au 26 octobre, s’arrêtera dans onze villes japonaises. Au total, 37’000 spectateurs sont attendus.
«C’est un projet qui est né il y a quatre ans», explique Erie Vigie, directeur de l’Opéra de Lausanne.
Il s’est rendu à trois reprises au Japon pour voir les douze théâtres dans lesquels les quinze représentations du fameux opéra de Georges Bizet seront données.
Ceci en trois semaines, et du centre au sud de l’archipel nippon. Un véritable défi.
Que les 125 personnes qui vivent cette aventure japonaise sont prêtes à relever. Quant aux décors et aux lumières, ils ont été pensés en fonction de cette contrainte temporelle et peuvent être montés en un temps record: six heures.
Une œuvre de feu
Jusqu’ici, aucune fausse note n’est venue troubler le périple des artistes suisses, qui sont accompagnés, tout au long de la tournée, de six chœurs d’enfants japonais.
La machine fonctionne. Et les voix offertes à des Japonais passionnés d’opéras plaisent. «Plus on avance, plus on est au point, plus le public est chaleureux», ajoute Eric Vigie.
L’accueil à Osaka dans une salle de 2700 places a été merveilleux. Les Japonais adorent cette œuvre de feu qui nous parle d’amour dévorant dans une mise en scène d’Arnaud Bernard.
Un test crucial
Mais ce sont les quatre représentations de Tokyo qui ont servi de test crucial pour l’Opéra de Lausanne. L’organisateur japonais de la tournée, la société Kobayashi, a en effet pris un risque certain car les plus grandes compagnies d’art lyrique de la planète, de la Scala de Milan a l’Opéra de Vienne, se bousculent dans la capitale japonaise.
Gâté, le public de Tokyo ne jure que par ces grandes marques. Et il tend à ignorer les troupes plus petites et moins renommées comme celle de Lausanne.
«Nous avons réussi à convaincre le prestigieux théâtre du Bunka Keikan d’Ueno de recevoir l’opéra suisse pour quatre représentations. C’est en soi un exploit. Et une source de fierté pour les artistes venus de Suisse», estime un responsable de la société Kobayashi à Tokyo.
Noëmi Nadelmann en Micaëla
Pourquoi ce choix de Carmen l’œuvre lyrique la plus célèbre au monde jouée à intervalles réguliers au Japon depuis les années 60? «C’est un choix du tourneur, M. Kobayashi. Il voulait une œuvre francophone pour centrer l’Opéra de Lausanne autour de la langue-mère de la Suisse romande», observe Eric Vigie.
La soprano zurichoise Noëmi Nadelmann se produit pour la première fois au Japon. Elle joue pour la première fois aussi le rôle de Micaëla qui espère récupérer son presque fiancé Don José. Lequel a succombé aux charmes de la sulfureuse Carmen.
«Il faut faire attention avec ce rôle lourd et lyrique de ne pas le faire trop tôt. Aujourd’hui avec cette Micaëla, j’ai trouvé ma voix» dit-elle.
Au bout de trois ans de préparation, voir qu’un petit opéra comme celui de Lausanne – inconnu du public japonais – réusisse d’une ville à l’autre à remplir des salles est magnifique.
Pour une première tournée dans le premier marché au monde de l’art lyrique, le plus compétitif aussi, la troupe lausannoise a de quoi être fière d’elle.
[swissinfo->www.swissinfo.ch], Georges Baumgartner
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