La réforme sur la légalisation des casinos au Japon, élément clef de la stratégie d’Abe pour la croissance économique du pays, a fait surgir bien des dissensions au sein même de son propre camp. Pour éviter toute crise politique, le vote du texte a été repoussé une nouvelle fois.
Le Japon demeure aujourd’hui l’un des très rares États développés à être dépourvu de casinos. Voilà pourtant des années que le Premier ministre et le Parti Libéral Démocrate (PLD) promeuvent la légalisation de ces maisons de jeu dans leur pays. Les difficultés économiques rencontrées par l’archipel incitent continuellement les gouvernants nippons à chercher de nouvelles sources de revenu, cette solution est apparue prometteuse.
Le potentiel de cette nouvelle activité est immense au regard de la passion immodérée des Japonais pour les machines à sous, dont la plus illustre représentation est matérialisée par les pachinko (un marché qui a généré en 2014 un chiffre d’affaires de plus de 24 000 milliards de yens). Elle permettrait également de faire croître significativement l’attractivité touristique du Japon, un élément d’autant plus décisif compte tenu de l’organisation des Jeux Olympiques à Tôkyô en 2020, qui devraient attirer, à l’instar des autres événements de cette ampleur, de très nombreuses personnes.
Les villes de Yokohama mais surtout Ôsaka s’étaient portées candidates pour accueillir les éventuels premiers casinos. À Ôsaka, dans le cas où la légalisation prendrait effet, un terrain de 170 hectares, sur lequel un complexe commercial majeur pourrait voir le jour, a d’ores et déjà été désigné. De nombreux investisseurs japonais comme étrangers ont démontré leur plus grand intérêt pour ces chantiers. En effet, les premières estimations au sujet du secteur des maisons de jeu au Japon parlent d’un chiffre d’affaire annuel probable de 40 milliards de dollars par an !
Tous ces arguments ont convaincu le gouvernement d’émettre une proposition de loi concernant la légalisation des casinos. Préparé depuis juin 2014, l’étude de ce texte législatif à la chambre basse de la Diète a été ajournée de multiples fois. Occulté en 2015 par les fréquents débats autour des lois de défense de Shinzô Abe, le texte suscite encore des interrogations et va même jusqu’à fragiliser le camp du Premier ministre.
En effet, depuis que le PLD a pris ouvertement position pour la légalisation des maisons de jeu, leur principal allié, le Kômeitô, avec lequel il forme une coalition pourvue de la majorité au Parlement japonais, est en désaccord avec le projet. Le Kômeitô redoute avant tout qu’une telle mesure ne fasse que provoquer une hausse considérable de l’addiction au jeu. De plus, la crainte que la mafia japonaise n’étende ses activités sur ces nouveaux lieux constitue un contre-argument valable supplémentaire.
Ces divergences au sein même du camp au pouvoir ont contraint le gouvernement et les députés du PLD à repousser le vote du texte. En juillet 2016, des élections auront lieu pour renouveler les membres de la chambre des conseillers (chambre haute) et il est déconseillé pour le PLD de froisser son précieux allié à quelques mois d’échéances électorales primordiales. La légalisation des casinos devrait donc être réexaminée au plus tard en automne 2016, sans quoi aucun complexe ne sera achevé avant le début des JO.