La Bourse de Tokyo s’est encore effondrée vendredi, la brusque hausse du yen rendant caduques les prévisions financières des entreprises exportatrices japonaises, à l’image de Sony qui a entraîné tout le secteur majeur de l’électronique dans sa vertigineuse chute.
L’indice de référence de la place tokyoïte, le Nikkei 225, a dévissé de 9,60% vendredi, au terme d’une mémorable journée cauchemardesque, la quatrième du mois après celles déjà entrées dans les annales des 8, 10 et 16 octobre (respectivement -9,4%, -9,6% et -11,41%).
En cause, la brusque et forte hausse de la valeur de la devise japonaise, le yen, face aux principales monnaies occidentales, dollar et euro en tête. Le yen a atteint vendredi son plus au niveau en 13 ans face au billet vert.
« La chute des actions et l’appréciation du yen sont inévitablement liées », a soupiré le ministre des Finances japonais, Shoichi Nakagawa.
En effet, quand le yen flambe, les prévisions de recettes des entreprises exportatrices nippones partent en fumée. Ces dernières sont alors forcées de revoir sévèrement à la baisse leurs estimations annuelles calculées sur des taux moyens incertains, puisque fluctuant en permanence.
Sony, fleuron japonais de l’électronique, a ainsi fait trembler ses actionnaires jeudi en réduisant de plus de moitié ses évaluations antérieures de bénéfices, lesquelles avaient le malheur de s’appuyer sur des hypothèses de taux de change très favorables, mais pas irréalistes à l’époque. Le yen était très bas depuis des mois, et rien ne laissait prévoir jusqu’à récemment une telle envolée.
Las, tout est tombé à l’eau sous l’effet du typhon « subprime » qui s’est abattu sur le monde financier avant de balayer les indices boursiers et de menacer de récession les Etats-Unis et l’Europe dans la foulée.
Cette spirale infernale s’est accélérée vendredi. Redoutant un déluge de révisions à la baisse des objectifs de profits des entreprises exportatrices nippones (secteurs de l’électronique et de l’automobile en tête), les investisseurs à la Bourse de Tokyo se sont débarrassés de leurs actions.
« Nous percevons un risque de nouvelles pertes et pensons que les informations (délivrées par Sony) ne sont pas exhaustives », indique Yuji Fujimori, un analyste de Goldman Sachs.
Les investisseurs semblent estimer que les nouveaux calculs de Sony sont toujours trop optimistes, puisque l’euro et le dollar étaient jeudi bien plus bas que les taux utilisés par le groupe dans ses nouvelles prévisions.
Le choc de très mauvais augure créé par Sony en sabrant ses simulations financières a non seulement fait dévisser de 14,07% le prix de son action, mais il a aussi enfoncé tout le secteur des technologies, n’épargnant aucun des poids-lourds nippons de l’électronique que sont Panasonic, Canon, Sharp, Nikon ou Pioneer. D’habitude moins sanctionné, le numéro un des consoles de jeu vidéo de poche Nintendo a aussi été pris dans la nasse.
Même motif, même sévère punition pour les constructeurs automobiles nippons Toyota, Nissan, Honda ou Mitsubishi Motors, industriels qui cumulent les handicaps (yen fort, désaffection pour l’automobile, coût du carburant jouant au yo-yo).
Selon les analystes, les investisseurs des sociétés japonaises ont également peur que la prudence des consommateurs occidentaux et nippons couplée à la difficulté d’obtenir des crédits se traduisent pas une offre supérieure à la demande, donc des stocks excédentaires aboutissant à des surcapacités de production.
Cette appréhension est jugée infondée par le Premier ministre nippon Taro Aso qui a affirmé vendredi depuis Pékin que « l’économie japonaise n’est pas en mauvais état », mais qu’elle subit durement l’impact de mouvements extrêmes des valeurs et des monnaies.
AFP