TOKYO (AFP) — Le public japonais s’apprète à se ruer dans les cinémas samedi pour la sortie de « Ponyo sur la falaise » (« Gake no ue no Ponyo »), dixième long métrage et premier film depuis quatre ans du grand maître de l’animation Hayao Miyazaki, réalisé entièrement à la main.
Depuis des mois, les radios japonaises chauffent les foules avant l’arrivée des aventures de Ponyo, attendrissant poisson rêvant de devenir une femme.
La sortie d’un nouveau Miyazaki est un événement national au Japon, où petits et grands se précipitent dans les salles obscures pour se glisser avec délectation dans l’univers « miyazakien » si particulier.
Une année avec un nouveau Miyazaki à l’affiche est toujours un grand millésime pour le box-office japonais.
« Mon Voisin Totoro », « Princesse Mononoke » ou « Le Voyage de Chihiro », entre autres chefs-d’oeuvre, sont devenus des films-cultes au Japon comme à l’étranger et valu à leur auteur, âgé de 67 ans, de nombreuses consécrations, dont un Lion d’or à Venise en 2005 et un Oscar en 2003.
Avant la date fatidique, rien ou presque de Ponyo n’a été montré, même si le thème, en partie inspiré de « La Petite Sirène » d’Andersen, est connu.
Ponyo, une petite fille poisson, s’échappe du fond de la mer sur le dos d’une méduse et rencontre un garçonnet de cinq ans, Sôsuke, qui la place sous sa protection. Forcée de retourner dans l’océan, Ponyo ne rêve plus que de devenir un être humain et de vivre sur terre aux côtés de Sôsuke. Elle entreprend alors un nouveau voyage avec l’aide de ses soeurs.
« Je voulais utiliser la mer depuis longtemps mais dessiner les vagues est un défi vraiment difficile », indiquait l’an passé le maître dans un rare document télévisé, alors qu’il travaillait sur ce nouveau film.
« Il y a différents types de vagues : celles qui s’abîment sur la plage, celles qui composent les tempêtes. Je rêve d’arriver à représenter une plage avec un dessin simple mais très en mouvement », expliquait-il alors.
« Je me suis attaché à créer un univers accessible à un enfant de cinq ans. A cet âge, on ne raisonne pas, mais on ressent instinctivement la vraie nature du monde », ajoutait-il cette semaine à la chaîne publique NHK.
« Je n’ai pas souligné la séparation entre l’eau et l’air. Quand les enfants nagent et ouvrent leurs yeux dans l’eau, ils voient un monde fantastique, magnifique, si différent, qui les excite et les émeut. J’espère que mon film leur donnera les mêmes sensations. »
Bien que tout le monde cherche dans les réalisations de Miyazaki un message, le réalisateur assure que « cela ne lintéresse pas ».
« Je veux tout simplement que les enfants ne disent pas que c’est nul. D’abord cela ! », confie ce sexagénaire un brin rêveur.
Isolé dans une vaste maison traditionnelle pour travailler, le maître, qui après chaque film dit que c’est « probablement son dernier », a traversé une longue phase de doute avant de voir surgir Ponyo sur une vague, sous sa main.
C’est la découverte du ton très particulier des crayons pastel qui a soudainement tout déclenché.
Au rebut les ordinateurs : les 170.000 planches du film ont été dessinées sur papier, à la main, par le patriarche aidé de quelque 70 assistants.
« Par expérience, nous avons compris que les gens ne sont plus fascinés par les créations numériques. C’est pour cela que nous avons choisi de tout faire au crayon. Notre force est justement là ».
« Je suis devenu animateur, pour faire bouger les choses », explique-t-il. « Tout remue dans le monde, pas seulement les humains, pas seulement les rideaux aux fenêtres, mais aussi les maisons, pas seulement l’herbe au vent, mais aussi le sol ».
« Le monde est une chose vivante, les enfants savent cela », murmure Miyazaki.