Photos de leur progéniture en main, une assemblée de vieilles dames consulte fébrilement la liste des hommes et femmes à marier dans une salle des fêtes de Tokyo. Elles cherchent l’âme soeur pour leur enfant, célibataire comme un nombre croissant de Japonais.
« Pour mon fils de 36 ans, une fiancée potentielle ne peut être âgée de plus de 31 ans », prévient Mme Sato, l’un des 200 parents, essentiellement des mères, venus ce soir-là échanger portraits et CV de leur descendance dans l’espoir d’arranger un rendez-vous.
L’âge des prétendants s’avère un facteur clé pour des parents motivés par la perspective d’avoir, un jour, des petits-enfants. Un père quitte ainsi piteusement la salle après avoir vu la candidature de sa fille, 43 ans, refusée de toutes parts.
Sadako Kato a eu plus de chance en 2004. Elle avait calé des rencontres avec plusieurs célibataires, mais sa fille de 34 ans est revenue radieuse dès son premier-rendez vous avec un quadragénaire. Deux mois plus tard, elle était mariée.
« Vous ne savez jamais ce que le destin vous réserve. Je m’inquiétais pour ma fille car elle était timide, mais maintenant je suis heureuse d’avoir pu l’aider », se réjouit Mme Kato.
Elle fait partie des 10% de parents passés par l’entreprise Office An qui ont réussi à marier leur enfant. Basée à Saporo (nord), cette agence matrimoniale a organisé une soixantaine de réunions de ce type à travers le Japon depuis huit ans, mettant en contact quelque 6.500 parents.
La fondatrice d’Office An, Michiko Saito, 64 ans, a lancé son entreprise au moment du décès d’une de ses connaissances, morte sans famille à ses côtés.
« Personne ne devrait mourir seul. Les gens doivent se soutenir les uns les autres et je crois que la famille peut servir à ça », estime-t-elle.
Avant les réunions, l’organisatrice s’emploie à rassurer les clients qui hésitent à mettre le nez dans les affaires privées de leur fils ou fille.
« Il est normal que les parents aident leur enfant. Ils les soutiennent pendant leur scolarité, puis quand ils cherchent du travail. Il n’y a donc rien de mal à aider ses enfants chéris à conclure un bon mariage quand ils le souhaitent », assure Mme Saito.
Elle-même mère de trois enfants, elle sait toutefois que beaucoup reste à faire pour convaincre les jeunes des vertus du mariage, qui allait de soi pendant des siècles mais n’est plus qu’un choix de convenance personnelle dans un Japon à la natalité déclinante.
Parmi les trentenaires, quelque 47% des hommes et 32% des femmes étaient célibataires en 2005, une proportion qui a doublé en quinze ans chez les femmes, selon l’Institut national démographique et de recherche pour la sécurité sociale. Pas moins de 70% des célibataires japonais âgés de 18 à 39 ans vivent chez papa et maman.
L’émancipation féminine est citée par les experts comme une cause de la crise du mariage, car les Japonaises sont souvent obligées de choisir entre fonder une famille ou poursuivre leur carrière professionnelle.
Toko Shirakawa, auteur d’un best-seller sur le sujet, explique que de nombreuses célibataires atteignant la quarantaine « ont consacré l’âge où elles pouvaient se marier à travailler dur, la société n’étant pas prête à les soutenir à la fois dans leur carrière et leur vie familiale ».
Selon elle, ces femmes évitent désormais tout ce qui pourrait remettre en cause ce mode de vie chèrement acquis, « et le mariage ou la fondation d’une famille sont perçus comme un risque ».
AFP