L »évolution démographique continue de faire baisser le taux d’épargne au Japon. A 3,2 % de leur revenu au terme de l’exercice fiscal du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, il poursuit une baisse amorcée en 1997, année où il avait atteint les 11,4 %. En 1975, il s’établissait à 23,1 %.
Ces chiffres annoncés, mercredi 9 janvier, par le Bureau du gouvernement reflètent l’impact du vieillissement de la population, de la baisse des salaires, de la précarisation de l’emploi ainsi que du faible attrait des placements financiers (marché boursier atone, taux d’intérêt extrêmement bas).
Le Japon occupe aujourd’hui la deuxième place des pays qui épargnent le moins, derrière les Etats-Unis où le taux d’épargne est négatif, et loin des nations européennes, comme la France où il atteint 12 %.
Dans l’archipel, l’année 2007 a coïncidé avec l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom née dans les années 1947-1949. La proportion des plus de 65 ans dépasse les 20 % de la population depuis 2005, le niveau le plus élevé au monde. Ayant cessé leurs activités, ces personnes ont tendance à puiser dans leurs économies pour maintenir leur niveau de vie. Dans le même temps, les revenus continuent de stagner, voire de régresser. En novembre 2007, le salaire mensuel moyen des employés réguliers des entreprises de plus de cinq personnes a reculé, pour le troisième mois consécutif, de 0,2 % à 289 466 yens (1 802 euros).
A cela s’ajoute la multiplication des emplois précaires, en hausse en novembre, et sur un an, de 3,2 % à 11 563 000 personnes (26 % de la population active). Ces salariés touchent généralement des revenus ne leur permettant pas de se constituer une épargne.
UN RISQUE À LONG TERME
Lors d’une intervention à la Maison franco-japonaise en décembre 2006, le professeur Charles Yuji Horioka, de l’université d’Osaka, faisait remarquer qu’une épargne élevée au Japon n’avait rien d’une constante dans l’histoire. Avant la guerre, elle était très faible, voire négative.
Sa progression jusque dans les années 1980 découlait de la jeunesse de la population et de la croissance rapide des revenus, conjugués à un très faible niveau des systèmes de Sécurité sociale et d’accès au crédit. Dans le même temps, le gouvernement avait mené, jusqu’en 1988 une politique d’incitation à l’épargne, avec notamment une défiscalisation des intérêts sur les dépôts bancaires et postaux. Cette politique, interrompue sous la pression des Etats-Unis qui souhaitaient voir la consommation progresser dans l’archipel, avait conduit les Japonais à devenir les plus gros épargnants de la planète.
La baisse régulière du taux d’épargne des ménages ne suscite pas de grandes inquiétudes pour l’économie japonaise à court terme. L’argent qui n’est pas mis de côté soutient la consommation. Dans le même temps, l’Etat et les entreprises continuent à épargner.
Aujourd’hui à 1 540 000 milliards de yens (9 338 milliards d’euros), le total de l’épargne reste à un niveau très élevé. Mais comme le fait remarquer un expert, « à moyen et long terme, la poursuite de la baisse pourrait se révéler problématique. Un phénomène d' »américanisation » de l’épargne japonaise aurait des conséquences graves ». Avec une dette à 150 % du produit intérieur brut et une épargne en berne, la croissance du Japon ne dépendrait plus que des performances de ses entreprises.
Philippe Mesmer
LeMonde.fr