Tokyo a enfin ratifié la convention internationale qui vise à lutter contre le pillage du patrimoine artistique mondial. Il reste cependant encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les pièces importées clandestinement d’Afghanistan.
Le Japon a enfin adhéré, le 9 décembre, à la convention de l’UNESCO (concernant les mesures à prendre pour interdire l’importation, l’exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels) qui avait été adoptée en 1970. La décision de ratifier cet accord international a été prise par la Diète en juin dernier. L’archipel est ainsi devenu le 96e pays signataire de ce texte et l’on peut espérer qu’il se débarrassera de sa fâcheuse réputation de « paradis des biens culturels volés ». La tâche ne sera cependant pas facile, compte tenu des objets qui entrent au Japon en provenance de pays non signataires et des problèmes hérités de la Seconde Guerre mondiale. « Le trafic d’objets volés s’effectuant clandestinement, il nous est impossible de connaître la situation réelle », déclare-t-on à l’agence pour les affaires culturelles [du ministère de l’Education et des Sciences].
En 2001, un musée privé de la préfecture de Shiga [est de Kyoto] a remis aux autorités la statue d’un bodhisattva debout qui avait été volée en Chine. On a également retrouvé au Japon la « Jambe gauche du dieu Zeus », une sculpture qui avait disparu du Musée national de Kaboul, en Afghanistan. Au cours d’un colloque organisé à Tokyo, cette même année, des spécialistes ont débattu de la question des objets d’art introduits illicitement au Japon. Selon un archéologue qui est intervenu à cette occasion, « ces vingt dernières années, on note un flux particulièrement important de céramiques et de faïences introduites illégalement depuis la Thaïlande, le Vietnam et les Philippines. »
La convention de l’UNESCO avait été conçue, il y a trente-deux ans, pour répondre au désir de divers pays d’empêcher la fuite et la dispersion à l’étranger d’un patrimoine issu de leur tradition. C’est la raison pour laquelle les pays asiatiques et africains, dont beaucoup sont d’anciennes colonies, ont été les premiers à la ratifier. Dans d’autres régions du globe comme l’Europe, l’adhésion a été plus tardive, et certains pays comme l’Allemagne ne sont toujours pas signataires.
Parmi les facteurs qui ont poussé le Japon à opter pour l’adhésion, le ministère des Affaires étrangères cite « le récent essor des échanges de biens culturels », « la recommandation de l’ONU de ratifier la convention » et « l’élection en 1999 de Koichiro Matsuura au poste de directeur général de l’UNESCO ». Pour Toshiyuki Kono, professeur de droit international à l’université de Kyushu, qui connaît bien les termes de la convention, « l’adhésion tient aussi à un problème de dignité. Jusqu’ici, le Japon percevait les biens culturels comme des marchandises ordinaires et n’avait pas conscience de la nécessité de protéger ces objets précieux. »
La convention étant entrée en vigueur, le Japon doit répertorier les biens culturels, instaurer un permis d’exporter et s’assurer que des oeuvres d’art illicitement introduites dans le pays ne figurent pas parmi les biens importés. Toutefois, cela ne suffira pas pour que le pays cesse d’être un « paradis des biens culturels volés ». Que faire par exemple des biens dérobés provenant de pays non signataires comme l’Afghanistan ? Ikuo Hirayama, président de l’Université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo et ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, qui craignait que le patrimoine culturel afghan ne soit détruit ou dispersé, a fondé l’an dernier au Japon un comité afin de protéger les objets d’art afghans sortis clandestinement du pays. Environ 120 pièces ont d’ores et déjà été placées sous la protection de ce comité et sont en voie de restitution. Et, selon M. Hirayama, on observe un mouvement similaire en Europe.
Le Japon doit par ailleurs régler des problèmes liés à son passé. Ainsi la question de la restitution – ou de l’indemnisation – des biens que l’archipel s’est appropriés pendant l’occupation de la Corée a été mentionnée dans la déclaration signée en septembre dernier par le Japon et la Corée du Nord à Pyongyang. Mais la Corée du Nord compte parmi les pays non signataires et la convention n’est pas rétroactive. Pour l’agence des affaires culturelles, « ces biens culturels ayant été acquis légalement, il n’y a aucune obligation de les restituer ». Toutefois, lors de la normalisation de ses relations avec la Corée du Sud, en 1965, le Japon avait remis à celle-ci 1 321 biens culturels, parmi lesquels des porcelaines céladon et des documents anciens, ce qui donne à penser que les négociations avec Pyongyang risquent de s’éterniser.
Yasushi Kono, auteur de Bunkaisan no Hozon to kokusai-kyoryoku (Sauvegarde du patrimoine culturel et coopération internationale), qui travaille au siège de l’UNESCO à Paris, observe : « Je ne sais pas ce qu’il en est pour la Corée du Nord, mais, si l’on s’en tient à l’esprit de la convention, il est possible que la responsabilité morale [du pays colonisateur] soit engagée lorsque d’anciennes colonies réclament la restitution de biens qui leur appartenaient. C’est un problème auquel la communauté internationale va se trouver confrontée dans les années à venir. »
Eiji Yamamori
Asahi Shimbun Source : Courrier international
Le Japon a enfin adhéré, le 9 décembre, à la convention de l’UNESCO (concernant les mesures à prendre pour interdire l’importation, l’exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels) qui avait été adoptée en 1970. La décision de ratifier cet accord international a été prise par la Diète en juin dernier. L’archipel est ainsi devenu le 96e pays signataire de ce texte et l’on peut espérer qu’il se débarrassera de sa fâcheuse réputation de « paradis des biens culturels volés ». La tâche ne sera cependant pas facile, compte tenu des objets qui entrent au Japon en provenance de pays non signataires et des problèmes hérités de la Seconde Guerre mondiale. « Le trafic d’objets volés s’effectuant clandestinement, il nous est impossible de connaître la situation réelle », déclare-t-on à l’agence pour les affaires culturelles [du ministère de l’Education et des Sciences].
En 2001, un musée privé de la préfecture de Shiga [est de Kyoto] a remis aux autorités la statue d’un bodhisattva debout qui avait été volée en Chine. On a également retrouvé au Japon la « Jambe gauche du dieu Zeus », une sculpture qui avait disparu du Musée national de Kaboul, en Afghanistan. Au cours d’un colloque organisé à Tokyo, cette même année, des spécialistes ont débattu de la question des objets d’art introduits illicitement au Japon. Selon un archéologue qui est intervenu à cette occasion, « ces vingt dernières années, on note un flux particulièrement important de céramiques et de faïences introduites illégalement depuis la Thaïlande, le Vietnam et les Philippines. »
La convention de l’UNESCO avait été conçue, il y a trente-deux ans, pour répondre au désir de divers pays d’empêcher la fuite et la dispersion à l’étranger d’un patrimoine issu de leur tradition. C’est la raison pour laquelle les pays asiatiques et africains, dont beaucoup sont d’anciennes colonies, ont été les premiers à la ratifier. Dans d’autres régions du globe comme l’Europe, l’adhésion a été plus tardive, et certains pays comme l’Allemagne ne sont toujours pas signataires.
Parmi les facteurs qui ont poussé le Japon à opter pour l’adhésion, le ministère des Affaires étrangères cite « le récent essor des échanges de biens culturels », « la recommandation de l’ONU de ratifier la convention » et « l’élection en 1999 de Koichiro Matsuura au poste de directeur général de l’UNESCO ». Pour Toshiyuki Kono, professeur de droit international à l’université de Kyushu, qui connaît bien les termes de la convention, « l’adhésion tient aussi à un problème de dignité. Jusqu’ici, le Japon percevait les biens culturels comme des marchandises ordinaires et n’avait pas conscience de la nécessité de protéger ces objets précieux. »
La convention étant entrée en vigueur, le Japon doit répertorier les biens culturels, instaurer un permis d’exporter et s’assurer que des oeuvres d’art illicitement introduites dans le pays ne figurent pas parmi les biens importés. Toutefois, cela ne suffira pas pour que le pays cesse d’être un « paradis des biens culturels volés ». Que faire par exemple des biens dérobés provenant de pays non signataires comme l’Afghanistan ? Ikuo Hirayama, président de l’Université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo et ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, qui craignait que le patrimoine culturel afghan ne soit détruit ou dispersé, a fondé l’an dernier au Japon un comité afin de protéger les objets d’art afghans sortis clandestinement du pays. Environ 120 pièces ont d’ores et déjà été placées sous la protection de ce comité et sont en voie de restitution. Et, selon M. Hirayama, on observe un mouvement similaire en Europe.
Le Japon doit par ailleurs régler des problèmes liés à son passé. Ainsi la question de la restitution – ou de l’indemnisation – des biens que l’archipel s’est appropriés pendant l’occupation de la Corée a été mentionnée dans la déclaration signée en septembre dernier par le Japon et la Corée du Nord à Pyongyang. Mais la Corée du Nord compte parmi les pays non signataires et la convention n’est pas rétroactive. Pour l’agence des affaires culturelles, « ces biens culturels ayant été acquis légalement, il n’y a aucune obligation de les restituer ». Toutefois, lors de la normalisation de ses relations avec la Corée du Sud, en 1965, le Japon avait remis à celle-ci 1 321 biens culturels, parmi lesquels des porcelaines céladon et des documents anciens, ce qui donne à penser que les négociations avec Pyongyang risquent de s’éterniser.
Yasushi Kono, auteur de Bunkaisan no Hozon to kokusai-kyoryoku (Sauvegarde du patrimoine culturel et coopération internationale), qui travaille au siège de l’UNESCO à Paris, observe : « Je ne sais pas ce qu’il en est pour la Corée du Nord, mais, si l’on s’en tient à l’esprit de la convention, il est possible que la responsabilité morale [du pays colonisateur] soit engagée lorsque d’anciennes colonies réclament la restitution de biens qui leur appartenaient. C’est un problème auquel la communauté internationale va se trouver confrontée dans les années à venir. »
Eiji Yamamori
Asahi Shimbun Source : Courrier international