TOKYO (AFP) — A quel moment dialoguer quand on est une romancière chinoise et le PDG d’une maison de luxe internationale ? A Tokyo, à quatre heures du matin…
Shan Sa, 34 ans, prix Goncourt des lycéens pour « La Joueuse de Gô » en 2001, et Richard Collasse, 54 ans, PDG du groupe Chanel à Tokyo, se sont rencontrés à Tokyo puis se sont raconté leur vie en correspondant par l’écriture à travers leur seul lien commun, le Japon.
Ils en ont tiré un livre, « Rencontrons-nous à Tokyo à quatre heures du matin » (titre Japonais), récemment publié au Japon et dont la sortie en France est prévue pour janvier prochain.
Ce duo franco-chinois « veut montrer à quelle point une culture peut vous absorber, » explique Richard Collasse dans un entretien avec l’AFP.
« On essaie de démontrer quelles richesses il y a à avoir cette capacité de transcender tous nos petits nationalismes, nos petits préjugés, et à quel point ça peut être truculent d’absorber d’autres cultures », plaide-t-il : « Ca prend toute une vie ».
Le patron de Chanel à Tokyo s’est lancé dans l’écriture en 2006, avec un roman très autobiographique, « La Trace », devenu un énorme succès de librairie au Japon où il est sorti d’abord.
Shan Sa, elle, s’est fait connaître dans le monde entier avec « La Joueuse de Go », « Impératrice » ou « Alexandre et Alestria », dans lesquels elle aborde le choc des cultures entre Orient et Occident. Elle est aussi peintre, designer et bientôt cinéaste.
Né et élevé au Maroc, Richard Collasse est intarissable sur le Japon, qu’il a découvert à 18 ans, au début des années 1970, un pays alors encore mystérieux pour les jeunes Occidentaux de l’époque, et où il vit depuis.
« Le Japon m’a happé immédiatement. Lorsque j’en suis absent, je suis comme en apnée. Le quotidien du pays me manque. Quand je reviens, c’est comme si mes tentacules se replantent dans le rocher immédiatement. Je sais que je vais finir ma vie ici, » assure-t-il.
« Ce n’est pas l’exotisme qui m’a marqué, ce sont les Japonais. J’ai été touché par la grâce des Japonais, par leur gentillesse. C’est un pays naïf, les gens sentaient que j’avais envie de découvrir le Japon », se souvient-il.
Les deux protagonistes du livre ont « deux appréhensions totalement différentes du Japon », souligne Shan Sa.
Née à Pékin en pleine Révolution Culturelle (1966-1976), elle a découvert le Japon dans un contexte familial tragique.
Fille d’intellectuels chinois (son père était professeur à La Sorbonne) et petite-fille d’un résistant communiste chinois exécuté lors d’une purge du Parti, elle éprouve pour le Japon un mélange de répugnance et de fascination.
« Je ne dirais pas que ça a été un coup de foudre avec le Japon. C’est quelque chose qui est arrivé dans ma vie quand je suis née, parce que c’est le pays le plus proche de la Chine et que la Chine porte une très profonde cicatrice de la guerre sino-japonaise », raconte-t-elle à l’AFP.
C’est l’épouse japonaise du peintre Balthus —pour qui elle a travaillé pendant deux ans comme secrétaire à Paris— qui lui fait découvrir les aspects raffinés et subtils de la culture nippone.
Elle est grande adepte de l’esprit « bushido » (le code du samouraï) qu’elle pratique « tous les jours ».
« Ce que j’apprécie le plus, c’est l’esprit du samouraï. Pour moi, le Japon est le seul pays au monde où la culture des héros soit dominante. Il continue à maintenir le culte du bushido qui est l’apogée de l’héroïsme », explique-t-elle.
« Il y a cette culture très importante qui y est préservée : la tradition, le respect de la nature et la rigueur des règles. Le Japon occupe une place particulière dans le monde », loue la jeune Chinoise.
Source : AFP