KASHIWAZAKI (Japon) – Arrêtée en juillet à cause d’un violent tremblement de terre, la plus puissante centrale nucléaire du monde, à Kashiwazaki-Kariwa (centre du Japon), est aujourd’hui un géant en sommeil forcé, incapable de produire le moindre courant électrique.
Ses sept réacteurs à eau bouillante étaient l’un des poumons énergétiques de Tokyo, pouvant insuffler en permanence 8.212 mégawatts pour faire fonctionner la plus grande ville de la planète, à 250 km au sud.
Mais depuis le 16 juillet, le compteur lumineux de la salle de contrôle n’affiche en permanence qu’un simple « 0 MW ». La ligne à haute tension qui relie directement la centrale à Tokyo est désormais disjonctée.
« En temps normal, 5.000 personnes travaillent à Kashiwazaki-Kariwa, mais environ la moitié doivent aujourd’hui rester chez elles », se désole Hideki Masui, un responsable de la compagnie exploitante Tokyo Electric Power (Tepco).
Un silence sépulcral règne dans les avenues du gigantesque complexe atomique, dont les cheminées enserrées dans des derricks de métal dominent les eaux grises de la mer du Japon.
Les pelouses retournées, l’asphalte rapiécé pour combler les crevasses, les restes calcinés d’un transformateur rappellent le choc dévastateur du séisme du 16 juillet. Sur un échaffaudage, des ouvriers s’affairent à réparer un énorme conduit d’évacuation disloqué par la secousse de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter.
Dans le coeur de la centrale, tout semble en revanche intact.
Arrimés à même la roche, à 40 mètres sous la surface du sol, de façon à bouger le moins possible, les réacteurs ont été automatiquement désactivés en moins de deux secondes dès que les sismomètres ont sonné l’alarme.
Mais l’incendie qui a détruit un transformateur n’a été éteint qu’au bout de deux heures. « Les images de la fumée ont circulé dans le monde entier et l’impact psychologique a été très mauvais », reconnaît M. Masui.
En outre, de l’eau légèrement radioactive a giclé d’une piscine et s’est déversée dans la mer. Une petite quantité de particules contaminées s’est, également, répandue dans l’air à la suite d’une erreur humaine.
La quantité de radiations émise a été jugée sans danger. Une inspection menée en août par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a d’ailleurs confirmé que la centrale avait bien résisté au cataclysme.
Kashiwazaki-Kariwa est cependant stoppée pour une durée indéfinie.
Le séisme s’est en effet avéré 2,5 fois plus puissant que le maximum prévu par les plans de la centrale. Enfin, des géologues affirment que le complexe atomique se trouve juste au dessus d’une faille active.
Sa remise en service est donc totalement exclue avant que des milliers de vérifications n’aient été effectuées, et la résistance des bâtiments renforcée.
L’arrêt brutal de Kashiwazaki-Kariwa a menacé de pénurie d’électricité la mégalopole de Tokyo (20 millions d’habitants) au plus fort de la canicule estivale.
Meurtrie par le séisme qui a fait onze morts et pulvérisé des milliers d’habitations, Kashiwazaki redoute les conséquences de l’arrêt de la centrale pour l’emploi et le tourisme. A la suite de l’incident nucléaire, une équipe de football italienne a même annulé une tournée au Japon.
« La sécurité de la centrale nucléaire a été confirmée et il est regrettable que les médias aient exagéré l’affaire », se plaint le maire, Hiroshi Aida.
« Mais il est vrai que les habitants de Kashiwazaki sont inquiets de l’impact du séisme sur la centrale. Beaucoup sont préoccupés pour leur sécurité, et dans une certaine mesure, ils ne font plus confiance à Tepco », admet-il.
« Nous pensions que la centrale revitaliserait Kashiwazaki et nous permettrait de contribuer à la politique énergétique nationale », explique-t-il.
« Mais à mon avis, le tremblement de terre a prouvé que la structure de cette politique énergétique est extrêmement vulnérable ».
Source :AFP