L’activité industrielle ralentit et la remontée du yen gêne les exportations.
L’ÉCONOMIE japonaise est-elle au bord de la récession ? Le ministère des Finances (MOF) vient d’indiquer que les dépenses d’investissement des entreprises avaient reculé au cours du deuxième trimestre 2007, pour la première fois depuis dix-sept trimestres. Or, avec les exportations, les dépenses d’investissement assurent l’essentiel de la croissance de l’Archipel, tandis que la consommation stagne toujours.
Plus que jamais la santé du Japon dépend aujourd’hui de celle des pays vers lesquels il exporte, notamment les États-Unis. « Depuis 2002 les exportations représentent 35 % de la croissance du PIB » a calculé l’économiste Richard Katz. C’est pourquoi la hausse du yen inquiète énormément Tokyo, où, comme partout ailleurs, les marchés ont été passablement secoués par la crise financière partie des États-Unis.
Depuis quelques années, le Japon vit une drôle de reprise économique, qui semble profiter à tout le monde sauf à ses artisans, les Japonais eux-mêmes. Jamais les entreprises n’ont engrangé de tels profits, mais jamais les salariés n’en ont si peu profité. Depuis 2003, le pays est officiellement sorti de l’ornière. Le Japon a célébré son 58e mois de croissance en novembre 2006, dépassant le « boom Izanagi » des années 1960. Mais c’est une croissance boiteuse. Le taux de croissance des années du « miracle économique », entre 1965 et 1970, était de 11,5 % par an. Cette fois, il n’a pas dépassé 3 %.
Bond de la précarité
Les métropoles comme Tokyo ou Nagoya se développent, mais, dans leur ombre, les campagnes meurent à petit feu. La croissance est bien là, mais les ventes de biens, en particulier d’automobiles, se contractent. Le taux de chômage des femmes a atteint le niveau incroyablement bas de 3,3 %, et celui des hommes de 3,5, % mais ce plein-emploi masque un bond de la précarité observé partout. Le retour de la croissance n’a pas créé d’emplois permanents, et s’est fait sur le dos des salariés, qui ont accepté des diminutions de salaires plutôt que d’authentiques restructurations.
Mardi, le ministère du Travail a estimé que les salaires avaient reculé pour le huitième mois consécutif en juillet. « C’est comme avant la bulle. Les entreprises sont assises sur des montagnes de cash, qu’elles ne redistribuent pas à leur personnel, ni à l’actionnaire d’ailleurs. Si elles étaient plus généreuses avec leurs employés, ceux-ci consommeraient » peste Laurent Halmos, analyste chez CLSA. Enfin, la déflation n’a pas été vaincue. Les prix au détail aussi continuent de reculer, en dépit de la hausse de la facture énergétique. Les Japonais, constatant que leurs retraites sont menacées de faillite et que de nouveaux impôts les attendent, préfèrent se serrer la ceinture. Pour eux, c’est une manière comme une autre de voter contre la politique économique du gouvernement. Vue l’anémie de leur croissance, il est possible qu’ils ne se rendent même pas compte de leur entrée dans la récession.
Tokyo RÉGIS ARNAUD.
Source : LeFigaro.fr