, Nouvelle ère au Japon, banquier des marchés

La tourmente provoquée par la crise du crédit hypothécaire à risques (subprime) aux Etats-Unis oblige le Japon à revoir son rôle dans l’économie mondiale. Jusqu’aux événements financiers de la mi-août, l’Archipel, bénéficiant de taux d’intérêt bas, occupait une position de fournisseur d’emprunts bon marché pour des investisseurs qui multipliaient les placements dans des zones à taux élevés, en Europe et aux Etats-Unis notamment.

Cette forme de carry trade pourrait avoir atteint ses limites. Le problème du crédit aux Etats-Unis devrait conduire la Banque centrale américaine, la Réserve fédérale, qui a déjà abaissé d’un demi-point son taux d’escompte, à réduire d’un quart de point son taux directeur, et ce dès le 18 septembre. Dans le même temps, la Banque du Japon (BoJ) souhaite augmenter le sien, même si elle a décidé de le maintenir à 0,5 % le 23 août, en raison des incertitudes sur l’évolution de la finance mondiale. Une hausse d’un quart de point devrait intervenir avant la fin de l’année. La contraction du différentiel des taux devrait rendre du coup moins intéressant le retour au carry trade à partir de l’archipel.

Le vent de panique qui a soufflé sur les marchés a aussi refroidi les ardeurs des investisseurs japonais, qui ont massivement rapatrié des avoirs placés à l’étranger. Ce mouvement a eu comme conséquence immédiate une forte progression du yen face aux monnaies européenne et américaine.

LE YEN SOUS-ÉVALUÉ

La situation sur les marchés des changes a évolué et, jeudi 23 août, l’euro a atteint son plus haut niveau face au yen depuis le 15 août, à 159,10 yens. Le dollar s’échangeait à 116 yens, après avoir plongé à 111,62 yens vendredi 17 août.

Ce redressement des devises européenne et américaine, qui les rapproche de leurs niveaux d’avant la crise, pourrait ne pas durer. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le yen reste sous-évalué. Les analystes considèrent que sa valeur devrait évoluer entre 90 et 100 yens pour 1 dollar.

Pendant plusieurs années, la devise nippone s’est maintenue à des niveaux bas car, aux yeux de nombreux analystes, les Européens et les Américains souhaitaient que le Japon consolide son économie et sorte de près de dix années de déflation. La position américaine pourrait évoluer. Outre la question des taux d’intérêt se pose celle de la balance des comptes courants, dont l’excédent a progressé de 31 % entre janvier et juin au Japon, une évolution devant normalement favoriser une hausse du yen.

La nouvelle donne politique à Tokyo pourrait inciter les Américains à se montrer moins accommodants. L’opposition japonaise, qui a remporté les élections sénatoriales du 29 juillet, refuse la prorogation du mandat des Forces d’autodéfense déployées dans l’océan Indien pour la lutte antiterroriste. Jusque-là, le Japon a toujours soutenu les Etats-Unis, en Afghanistan comme en Irak. Dans ce contexte, Yasuo Nota, du quotidien économique Nihon Keizai, considère que « la structure des marchés financiers mondiaux a changé. La longue période du yen faible paraît terminée ».

Une appréciation de la devise japonaise devrait peser sur les résultats des entreprises et les obliger à renforcer leur compétitivité. Une évolution bienvenue puisque au mois de juillet, un haut responsable de la BoJ tirait la sonnette d’alarme, estimant que « les compagnies nippones, bénéficiant d’un environnement trop favorable, pourraient perdre leur capacité à s’imposer à l’international ».

L’économie de l’Archipel, considérée comme solide et « en progression graduelle » par le gouverneur de la banque centrale, Toshihiko Fukui, pourrait résister à la crise, d’autant qu’elle ne semble pas menacée par des phénomènes de bulles.
Philippe Mesmer (Tokyo, intérim)

Source : LeMonde.fr

Article précédentLes cybercafés au Japon
Article suivantLe Premier ministre japonais Shinzo Abe remanie son gouvernement

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.