KASHIWAZAKI (Japon) – La saison touristique devrait battre son plein sur les plages de Kashiwazaki, au bord de la mer du Japon.
Mais cet été, seuls quelques adolescents insouciants profitent des vagues à l’ombre de la grande centrale nucléaire fermée depuis le violent séisme du 16 juillet à la suite de légères fuites radioactives.
Durement secouée par le tremblement de terre, qui a fait onze morts, démoli des milliers de maisons et endommagé la plus grande centrale atomique du monde, la région de Kashiwazaki, dans le centre de l’Archipel, doit aussi supporter l’impact économique d’une saison estivale fichue.
« On nous dit que le niveau de radiations est inoffensif, mais le fait est que ces fuites sont en train de tuer nos commerces », se plaint Hitoshi Arakawa, un saisonnier de 42 ans, en montrant les piles d’épis de maïs invendus sur son étal de casse-croûtes. La plage est quasi déserte malgré le brûlant soleil d’août.
Fermée pour une période indéterminée, la centrale de Kashiwazaki-Kariwa est inspectée cette semaine par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Son exploitant, la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), a reconnu qu’elle n’avait pas été conçue pour résister à un séisme d’une telle violence. Mais TEPCO a assuré que l’eau légèrement radioactive qui s’est échappée en mer du Japon pendant la secousse est sans danger pour l’environnement, et encore moins pour la santé des riverains.
Malgré ces propos rassurants, l’incident a des effets dévastateurs pour l’industrie touristique de la région, qui s’enorgueillit de beaux paysages côtiers, de ses fruits de mer, de son riz réputé et de son saké, et qui attire habituellement des foules d’estivants.
Même les habitants de Kashiwazaki soupçonnent les autorités de sacrifier leur sécurité au nom de l’approvisionnement en électricité de la mégalopole de Tokyo, à 250 km de là, alimentée par la centrale nucléaire.
« J’aimerais bien voir le président de Tepco, le directeur de la centrale et le maire de la ville plonger tous ensemble dans la mer pour montrer aux gens qu’il n’y a pas de danger », peste M. Arakawa. « Et tant qu’à faire, le Premier ministre aussi devrait se baigner », râle-t-il encore.
Koichi Sato, 59 ans, qui dirige un hôtel familial en bord de mer, raconte que 80% des réservations ont été annulées après le séisme et l’incident radioactif.
« Quand le projet de construire une centrale nucléaire a été débattu, toute opposition a été étouffée. Mais quand quelque chose comme ça se produit, ce sont les affaires commes les nôtres qui paient les pots cassés », déplore-t-il.
Le patron du syndicat local des hôteliers et restaurateurs, Chihiro Kinefuchi, 53 ans, reconnaît qu’il avait lui-même soutenu la construction de la centrale il y a trente ans. « Nous pensions alors aux effets économiques positifs, comme les emplois, qu’elle allait apporter à la ville », se justifie-t-il.
Mais au fil des années, dit-il, la compagnie électrique a perdu la confiance des autochtones en raison de son manque de transparence. En 2003, déjà, le site de Kashiwazaki-Kariwa avait été fermé pendant quarante jours, sur ordre des autorités, après une série d’incidents, notamment des fissures dans les réacteurs, passés sous silence par ses responsables.
Les autorités et Tepco espèrent que les conclusions indépendantes de l’AIEA serviront à dissiper les frayeurs, et à faire revenir les estivants.
Mais les professionnels du tourisme sont sceptiques. « Je me demande combien de gens comprennent vraiment ce qu’est l’AIEA », soupire M. Kinefuchi, désabusé.
Source : AFP