Cinq expositions exceptionnelles célèbrent le 150e anniversaire des relations franco-japonaises
Al’occasion du 150e anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et la France, Paris présente des œuvres japonaises parmi les plus belles et les plus rares montrées pour la première fois hors de l’archipel.
Ainsi, le Musée Cernuschi (1) accueille 56 peintures ukiyo-e du Musée Idemitsu de Tokyo qui possède une collection exceptionnelle de ces peintures de mœurs du XVIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle. Edo (qui deviendra Tokyo) est le siège du gouvernement et en même temps la capitale commerciale. La voie du samouraï et du confucianisme s’y heurte à l’argent et à la prospérité des marchands : deux mondes radicalement incompatibles mais qui, pourtant, vont s’interpénétrer – avec plus ou moins de rigueur – durant deux siècles et demi.
Les plus grands peintres (Harunobu, Utamaro, Hokusai, Hiroshige…) illustrent tous les thèmes de cette vie « hédoniste » : célébration de Nouvel An, personnages lascifs, courtisanes du quartier des plaisirs. Si les estampes, qui nous sont plus familières (lire ci-dessous), traitent souvent des mêmes sujets, les peintures, commandes privées donc méconnues, sont sans doute les œuvres les plus « intimes » de ces artistes.
Au musée Guimet
Quittons le profane pour le religieux… Le Musée Guimet (2) expose une partie des peintures du Konpira-San, le très réputé sanctuaire shinto de la mer. Celles-ci ornent les cloisons coulissantes (fusumas) et les paravents des salles de réception, où les murs n’existent presque pas. Maruyama Okyo a peint ainsi les admirables décors de la salle des Grues, la salle des Tigres (1787), ainsi que celle des Sept Sages (1794). Quant à la salle surélevée et sa composition florale d’Ito Jakuchu (1764), elle a été reconstituée à l’identique pour l’exposition.
La visite se poursuit avec les premières peintures à l’huile faites au Japon de Takahashi Yuichi (1828-1894) et de récents fusumas de Takubo Kyoji (né en 1949) qui avait participé à la réfection (de 1989 à 1999) d’une chapelle près de Falaise, en Normandie. Il y avait fait entrer la nature par une composition de pommiers, ici ce sont des camélias en pastels qui envahissent les murs ainsi que des compositions florales bleues sur carreaux de porcelaine blanche d’Imari.
L’espace Mitsukoshi-Étoile (3) a invité l’artiste Toshio Tabuchi, peintre nihon-ga inten (utilisant les techniques traditionnelles de la peinture japonaise) de grand talent. Il ne se veut pas détenteur d’un style mais peintre de l’émotion qu’il retranscrit dans ses tableaux, aux instantanés presque photographiques, montrant des paysages inventés aux couleurs intenses même dans la monochromie.
Petit Palais
Les moines supérieurs du sanctuaire shinto Tsurugaoka Hachimangû de Kamakura ou du temple zen Eihei-ji à Fukui lui ont demandé de peindre des portes coulissantes pour leurs intérieurs sacrés. C’est la première fois que l’artiste s’essayait, à 60 ans, à l’encre de Chine (sumi e) qui ne permet aucun repentir. Les saisons et la nature se fondent en dégradés de gris, et les blancs comme les détails comptent dans ces paysages de toute beauté. Deux exemples qui montrent l’intérêt de vénérables temples pour les artistes d’aujourd’hui.
Enfin le Petit Palais (4) présente 80 œuvres zen du XIIe au XVIIIe siècle des Pavillons d’or et d’argent de Kyoto. Grandes peintures bouddhiques et ustensiles pour la cérémonie du thé composent un ensemble somptueux où le religieux se joint à l’harmonie pour le plus grand plaisir des yeux.
Il a fallu beaucoup de persuasion pour faire sortir ces fragiles « trésors nationaux » du Japon, mais, plus encore, c’est grâce au mécénat du Crédit agricole et aussi d’entreprises japonaises que toutes ces expositions ont été possibles. Il faudra, sans doute, des années avant que d’autres événements de cette envergure ne revoient le jour à Paris.
Alexandre DARMON
(1) « Splendeurs des courtisanes » : 2e partie du 18 novembre au 4 janvier. 7, avenue Vélasquez (8e). Rens. : 01.53….
(2) « Konpira-San, Sanctuaire de la mer-Trésors de la peinture japonaise » : jusqu’au 8 décembre. 6, place d’Iéna (16e). Rens. : 01.56.5…. Ouvrage collectif aux Éditions Kotohira-Gu, 398 p., 32 €, et hors-série Connaissances des arts, 8 €.
(3) « L’instant et l’éternité » : jusqu’au 22 novembre. 3, rue de Tilsitt (8e).
Rens. : 01.44.09.11.11. Catalogue, 198 p., 18 €.
(4) « Shôkokuji, Pavillon d’or, Pavillon d’argent – Zen et Art à Kyoto » : jusqu’au 14 décembre. Avenue Winston-Churchill (8e). Rens.: 01.53.43.40.00.
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