Pour la première fois depuis sept ans, le Japon, deuxième puissance économique mondiale, est entré en récession. Décryptage, avec Danielle Schweisguth, économiste à l’OFCE.
Existe-t-il des similitudes entre la crise actuelle et la crise des années 90 qu’avait subie le Japon?
Oui, les mécanismes sont assez similaires: l’effondrement des marchés immobilier et boursier, qui entraîne la diminution des actifs bancaires et l’insolvabilité des banques.
Mais à la différence de la crise des subprimes, le Japon avait tardé à réagir et s’était enlisé dans le marasme. Les banques n’ont pas fait faillite et se sont calfeutrées dans l’opacité la plus totale. Les mauvais résultats n’étaient même pas publiés et les autorités n’exerçaient aucune pression pour obliger les établissements bancaires à assainir leurs comptes. Résultat, les banques ont continué à prêter et l’économie ne s’est pas effondrée. Mais la crise a duré très longtemps: ce n’est que 3 ans après le début que le PIB a atteint son niveau le plus bas. Et ce n’est qu’à la fin des années 90 que les banques ont été restructurées et les bilans assainis…
C’est différent aujourd’hui. Les Etats Unis, comme la majorité des pays industrialisés, sont déjà en récession.
C’est aussi la crise des subprimes qui explique la récession au Japon ?
Globalement, si le Japon est touché, c’est pour les mêmes raisons que les autres pays. Les banques japonaises ont une activité internationale elles aussi, et elles ont été contaminées comme leurs homologues européennes par les actifs pourris.
Mais le Japon a un problème supplémentaire. Le pays ne s’est jamais totalement remis de la crise des années 90. Si le secteur bancaire a fini par être totalement assaini, l’économie n’a jamais retrouvé son dynamisme passé. Le modèle économique et social japonais a disparu en même temps que la crise. Depuis, le taux de croissance annuel tournait autour de 2%, comme en Europe, à cause de l’augmentation très faible des salaires. Et comme les taux d’intérêt sont longtemps restés proches de zéro, les marges de manoeuvre pour la relance étaient réduites.
C’est pour cela que le risque de déflation est plus élevé qu’ailleurs.
Comment va s’en sortir le Japon?
Aujourd’hui, c’est officiel, le pays est en récession : il a cumulé deux trimestres consécutifs de croissance négative, notamment à cause de la faiblesse de l’investissement. Les industriels japonais sont victimes d’un affaiblissement de la demande de la part des pays occidentaux. Ils hésitent à investir de peur de se retrouver en surcapacité de production. D’un autre coté, la déflation ainsi que la stagnation des salaires tendent à limiter la consommation des ménages. Les exportations, en très faible hausse, ne peuvent pas indéfiniment contrebalancer la faible consommation nippone…
Si l’année 2008 a connu une croissance de 0,2%, selon nos prévisions, l’année 2009 devrait connaître une croissance négative de -0,6%.
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