En cinq jours, les banques centrales du monde entier ont injecté des centaines de millions de dollars pour tenter de rétablir la confiance de marchés déliquescents, après le dépôt de bilan du grand nom de Wall Street Lehman Brothers.
En temps normal, les banques commerciales se prêtent chaque jour les liquidités nécessaires à leur fonctionnement. Mais la machine s’est enraillée, chacun craignant de prêter à la prochaine victime, explique Jan-Egbert Sturm, directeur du centre de recherches conjoncturelles suisse (KOF).
« L’argent en circulation a disparu. Mais, en fait, il n’a pas disparu, il était juste retenu », selon M. Sturm.
Le spectre de la disparition de l’assureur américain AIG a porté un coup fatal à un système fragile, totalement basé sur la confiance.
Quand un risque « systémique » apparaît alors « seules les banques centrales peuvent (le) régler », relève par ailleurs l’analyste de Credit Suisse Marcel Thieliant.
Les institutions d’émissions du monde entier n’ont ainsi pas eu d’autre choix que de servir de « prêteurs en dernier ressort » pour les banques, proposant des milliards de dollars pour éviter des faillites en cascade et redonner de l’air aux marchés.
Pour autant, l’argent injecté n’est pas sorti de la planche à billets et personne n’en verra la couleur. Il prend la forme d’un prêt à taux bas et portant sur un très court terme, échangé électroniquement. En principe, il ne doit circuler qu’un minimum de temps.
Jeudi, les institutions d’émissions ont battu des records avec une première injection de 180 milliards de dollars de la Reserve Fédérale américaine, expliquent les analystes. Et un plan gouvernemental américain de 700 milliards est en cours de négociations avec le Congrès pour le sauvetage du secteur bancaire des Etats-Unis.
La Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre, du Japon, de Suisse et du Canada, ont suivi. Au total, elles ont offert 300 milliards de dollars, donnant la possibilité aux marchés de convertir des devises dans la monnaie américaine.
Le cas est rare, non seulement par l’ampleur du montant engagé mais aussi par le fait que des banques centrales du Canada et du Japon ont lâché des liquidités non pas dans leur monnaie comme elles le font habituellement mais en dollars.
« L’élément le plus important de cet action coordonnée est d’avoir ouvert un accès au dollar même quand les marchés américains sont fermés » permettant aux banques de trouver du cash jour et nuit, explique encore M. Thieliant.
Il fallait à tout prix leur donner la possibilité de contourner une procédure américaine les obligeant à déclarer chaque demande au Trésor et par là même à révéler leurs difficultés.
« Leur offrir des dollars dans le monde entier a permis aux banques de contourner ce problème », explique M. Sturm.
Si l’action des banques centrales était justifiée dans une situation de marasme généralisé, elle n’était toutefois pas anodine.
En créant des milliards de dollars, elles prennent le risque d’inonder le marché avec trop de cash, d’affaiblir les monnaies et d’alimenter l’inflation.
Pour éviter cet écueil, les banquiers centraux maintiennent ces prêts court terme. Mais si un de leurs emprunteurs se retrouvaient dans l’incapacité de les rembourser, alors les problèmes commenceraient.
L’argent créé entrerait dans la masse monétaire et les risques d’inflation deviendraient réels, selon les économistes. « Il y aurait de l’inflation si les banquiers centraux ne gèrent pas la situation avec soin », conclut l’analyste de la KOF.
AFP