La Cour suprême du Chili autorise l’extradition de l’ex-président péruvien Fujimori vers Lima
Sept ans après avoir fui Lima, démissionnant par fax de la présidence de la République péruvienne, depuis le Japon, suite à son implication dans de nombreuses affaires politico-financières, Alberto Fujimori va être prochainement jugé par la justice du Pérou. Un pays qu’il a dirigé d’une main de fer entre 1990 et 2000. Vendredi 21 septembre, la Cour suprême du Chili a autorisé son extradition pour corruption et violations des droits de l’homme. Ce verdict met fin à un long feuilleton judiciaire.
L’ancien président péruvien avait atterri par surprise à Santiago du Chili, en novembre 2005, à quelques mois de l’élection présidentielle au Pérou. Erreur ou stratégie, M. Fujimori, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international, avait immédiatement été arrêté par les autorités chiliennes. Deux mois plus tard, le Pérou déposait à son encontre une demande d’extradition basée sur douze charges. En même temps, Lima rappelait qu’il était inéligible.
Mis en liberté provisoire avant d’être arrêté à nouveau en juin 2006, et assigné à résidence dans une luxueuse villa de Santiago, M. Fujimori devrait être bientôt extradé vers le Pérou, où il aura à répondre des sept charges finalement retenues contre lui. « C’est un cas sans précédent dans l’Histoire, car c’est la première fois qu’un Etat extrade un ex-président afin qu’il soit jugé par la justice de son pays », se félicite Daniel Wilkinson, directeur adjoint pour les Amériques d’Human Rights Watch (HRW).
Outre cinq affaires de corruption, M. Fujimori sera jugé pour homicides qualifiés dans les massacres de quinze habitants de Barrios Altos, en 1991, et dans les assassinats de dix membres de l’université de La Cantuta, à Lima, en 1992, par un « escadron de la mort » constitué de militaires. « Ces cas ont été approuvés à l’unanimité des cinq juges de la Cour suprême chilienne. C’est un jour historique », estime Francisco Soberon, directeur de l’Association péruvienne des droits de l’homme, rappelant que M. Fujimori risque jusqu’à trente ans de prison. « Il va falloir que le Pérou assure des procès transparents, car nous craignons qu’il y ait des arrangements sous la table au profit de l’impunité », souligne Gisela Ortiz, soeur d’une victime de la Cantuta.
« Un procès juste », réclame aussi la fille de l’ancien chef de l’Etat, la députée péruvienne Keiko Fujimori, précisant que la décision chilienne « ne signifie pas qu’Alberto Fujimori soit coupable, mais qu’il vient au Pérou pour se défendre dans sept des douze charges ». Elle a appelé au rassemblement derrière l’ex-président, qui a encore de nombreux sympathisants, reconnaissants qu’il ait mis fin à vingt ans de conflit avec la guérilla maoïste du Sentier lumineux.
Cependant, une partie de ses partisans n’a pas caché sa déception lorsque « El Chino », comme on l’appelle au Pérou – bien que ses parents soient japonais -, s’est porté candidat aux élections sénatoriales au Japon en juillet. En plus d’être un échec électoral, cette candidature a semé le doute sur sa volonté de revenir au Pérou. M. Fujimori a pourtant affirmé à la radio, vendredi, que l’extradition faisait partie de sa stratégie pour « retrouver le peuple péruvien ». « L’idéal aurait été d’être extradé pour une affaire ou deux, mais l’objectif est presque atteint. » L’ex-président a expliqué que, sur toutes les charges à son encontre, il n’y en avait désormais plus que sept. « Maintenant, j’arrive avec un bouclier légal. »
« Le pouvoir judiciaire péruvien va prouver qu’il sait mener un jugement avec les garanties d’un procès juste et le respect des droits fondamentaux », a pour sa part déclaré la ministre péruvienne de la justice, Maria Zavala, demandant de ne pas politiser l’affaire. « Ici il n’y a pas de place pour la rancoeur ou la vengeance, la démocratie doit démontrer qu’elle est supérieure à la dictature », a ajouté le premier ministre Jorge del Castillo, appelant les Péruviens à rester calmes et à éviter les confrontations.
Chrystelle Barbier
Source : Lemonde.fr