Naomi Tani dans le film japonais de Masaru Konuma, « Fleur secrète » (« Hana to hebi »).
A l’heureuse initiative du distributeur Zootrope Films, l’été cinéphilique à Paris se conjugue depuis quelques années avec la redécouverte sulfureuse d’un réalisateur nippon. Après quelques étés consacrés au génial Yasuzo Masumura (Tatouage, La Bête aveugle…), c’est au tour de Masaru Konuma d’être dévoilé à travers Fleur secrète, réalisé en 1974 et inédit en France.
Le changement de calibre est patent, en dépit du caractère disons instructif de la proposition. Adapté d’un roman d’Oniroku Dan, auteur fertile de littérature érotique à dominante sado-masochiste, le film fait partie de la vague des « romans pornos » lancée au début des années 1970 par une industrie cinématographique japonaise en crise, et plus particulièrement par la prestigieuse major Nikkatsu.
La firme produit ainsi Fleur secrète en confiant sa réalisation à Masaru Konuma, ancien assistant réalisateur de Seijun Suzuki reconverti dans le film érotique, et en débauchant l’actrice principale, la très belle et hyper-torride Naomi Tani, de la filière spécialisée du film rose où elle était déjà consacrée comme « la Marilyn Monroe du bondage ».
Makoto, jeune homme un peu falot, est le héros de cette fantaisie épicée. Traumatisé dans son enfance par une terrifiante scène primitive – il a vu sa mère faire l’amour avec un soldat noir américain et l’a assassiné -, il est devenu incapable d’entretenir un rapport sexuel avec une femme. Vivant sous la coupe de sa mère, manipulatrice diabolique spécialisée dans la photographie de bondages, il assiste passif à ses turpitudes sans pouvoir s’émanciper de ce souvenir obsédant et vivre sa vie d’homme autrement que comme employé modèle d’une grande entreprise.
Jusqu’au jour où le grand patron, qui a mis la main sur une liasse de photos suggestives prises par sa mère, confie à Makoto une mission un peu spéciale : humilier et dresser sa jeune femme, la prude Shizuko (Naomi Tani), qui persiste à se refuser à lui. Makoto va s’acquitter de cette tâche avec une méticulosité d’autant plus passionnée qu’il tombe fou amoureux de Shizuko, grâce au consentement de laquelle il retrouvera sa virilité et percera à jour le mensonge terrorisant par lequel sa mère l’a maintenu en son pouvoir.
SUGGESTIONS SCATOPHILES
Comme la plupart des films érotiques, la limite de Fleur secrète tient à la manière dont l’intrigue, recourant à l’artifice d’une psychanalyse à deux sous, et les personnages, passablement schématiques, font figure d’oripeaux des scènes chaudes (représentations de bondages, suggestions scatophiles, art nippon de la crudité et du détail), dont l’imagination et parfois même la beauté sont néanmoins notables.
Il est en revanche plus intéressant de constater à quel point ce type de cinéma reproduit, en les galvaudant, les motifs de la critique socio-politique menée à la même époque, sous les auspices du désir et du sexe, par la Nouvelle Vague nippone, Nagisa Oshima en tête.
Film japonais de Masaru Konuma avec Naomi Tani, Nagatoshi Sakamoto, Yasuhiko Ishizu. (1 h 14.)
Jacques Mandelbaum
www.lemonde.fr