Pays vieillissant, le Japon manifeste un incroyable goût pour tout ce qui est nouveau. Un livre analyse ce paradoxe.

Chaque fois qu’elle revient en France, Karyn Poupée est frappée par « l’aigreur, l’individualisme et le je-m’en-foutisme de [ses] compatriotes. » « Vue du Japon, la France est le pays qui ne répond plus » . C’est un peu ce qui a donné à cette journaliste (l’AFP, Le Point) qui sillonne le Japon depuis dix ans l’idée d’écrire « Les Japonais » (1). Elle y raconte comment ce peuple, ruiné au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’est réinventé. Sans rien renier de sa culture et de ses traditions. Mais en se tournant vers l’avenir. Comment ses entreprises sont aujourd’hui parmi les plus performantes au monde et évitent les délocalisations. Comment la culture et la gastronomie résistent à l’occidentalisation. Par petites touches (les ados, les vieux, la vie de l’entreprise, les hommes politiques, les femmes…), l’auteur brosse le tableau d’une société guidée par le culte du progrès.

Ce culte se cristallise dans les shinhatsubai (« nouveautés »), trois idéogrammes présents dans chaque magasin, à chaque coin de rue et dans chaque publicité. Tous les ans, le Japon teste des dizaines de milliers de produits avec plus ou moins de bonheur et six cents nouvelles variétés de nouilles instantanées sont également élaborées. Proposez, il en restera toujours quelque chose et peut-être le jackpot sera-t-il au bout.

Chaque saison correspond à une initiative commerciale. Ainsi, le 1er avril, une majorité d’entreprises accueillent par dizaines, centaines ou milliers des nouvelles recrues, les shinnyushain , lesquels entament alors une shinseikatsu -une « nouvelle vie »-dont le thème va être surexploité. Les boutiques profitent de ces chambardements pour proposer des offres spéciales destinées à faciliter l’acquisition de biens pour ceux qui, nouveaux locataires, doivent tout acheter : le réfrigérateur, le lave-linge, le micro-ondes, l’autocuiseur à riz, l’aspirateur, le téléviseur, le lecteur/enregistreur de DVD, l’ordinateur, etc. Bref, le confort minimal, pour un Japonais…

1. « Les Japonais », de Karyn Poupée

Romain Gubert

[Le Point.fr->http://www.lepoint.fr/actualites-economie/l-obsession-japonaise/916/0/305183]

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