Le Japon, une des rares démocraties à maintenir la peine capitale, a pour la première fois montré vendredi à la presse la chambre d’exécution des condamnés à mort.
La ministre de la Justice, Keiko Chiba, une avocate de formation personnellement opposée à la peine capitale, avait annoncé le mois dernier le lancement d’une étude ministérielle sur le sujet.
Elle avait également décidé d’autoriser les médias japonais à accéder à la pièce où se déroulent les pendaisons, afin que le public puisse se faire une idée de cette sentence soutenue massivement par l’opinion dans les sondages.
Vendredi matin, pendant une demi-heure, les journalistes ont pu visiter l’intérieur du Centre de détention de Tokyo, dont des images ont été diffusées par les principales chaînes de télévision.
Sur le sol d’une salle vitrée sans fenêtre, un carré rouge avec une croix au centre marque l’emplacement de la trappe qui s’ouvre sous les pieds du supplicié, dont les mains sont menottées et les yeux bandés.
Le mécanisme est déclenché par un des trois boutons-poussoirs fixés au mur d’une pièce contiguë, pressés simultanément par trois gardes qui ignorent lequel est actif.
Avant l’exécution, le condamné a la possibilité de se recueillir dans une salle de prière où trône une statue dorée de Bouddha.
{« Cette occasion offerte aux médias va fournir des éléments au débat public sur le système de la peine de mort »}, a déclaré Mme Chiba lors d’une conférence de presse.
Les Etats-Unis et le Japon sont les deux seules démocraties industrialisées à maintenir la peine de mort, une pratique condamnée par les pays européens et les associations de défense des droits de l’homme.
Ces dernières dénoncent notamment le fait que les détenus ne sont prévenus de leur exécution qu’à la dernière minute et que les familles ne sont informées qu’une fois la pendaison effectuée.
Cent sept prisonniers attendent actuellement dans les couloirs de la mort.
Amnesty International affirme que les conditions de détention dans un isolement quasi total rendent fous certains condamnés.
« Chaque jour peut être leur dernier et l’arrivée de l’ordre d’exécution signifie que la sentence sera rendue à peine quelques heures plus tard. Certains vivent ainsi année après année, parfois pendant des décennies », dénonce l’association.
Les autorités nippones justifient le maintien de la peine capitale par le soutien qu’elle reçoit parmi la population.
En février, un sondage commandé par le gouvernement avait indiqué que 85% des Japonais y étaient favorables.
Avant d’accéder au pouvoir en septembre 2009, le Parti Démocrate du Japon (PDJ) avait promis d' »encourager un débat national » sur cette question.
Mais après la défaite du PDJ aux récentes élections sénatoriales, et l’impopularité du gouvernement en place, le sujet n’est plus d’actualité.
Malgré ses convictions personnelles, Mme Chiba a autorisé fin juillet l’exécution de deux criminels, à laquelle elle a tenu à assister.
Elle a tenté maladroitement de justifier sa décision en expliquant qu’elle avait « de nouveau senti profondément le besoin d’une discussion d’ampleur sur la sentence capitale ».
L’ancien parlementaire Nobuto Hosaka, qui milite contre la peine de mort, pense pour sa part qu’un tel débat est improbable dans l’immédiat.
« L’environnement nécessaire pour que tous les partis discutent de cette question est en train de se dégrader. C’est très difficile à l’heure actuelle », a-t-il confié à l’AFP.
Il craint que Mme Chiba, battue aux sénatoriales de juillet, soit prochainement remplacée par un ministre plus favorables aux exécutions.
[Source: AFP >