La litanie des mauvaises nouvelles fait craindre un regain de tensions sociales au Japon. Les résultats des entreprises pour le quatrième trimestre 2008, dévoilés depuis la fin janvier, voient les principaux industriels du pays, quel que soit leur secteur, multiplier les annonces de résultats très médiocres.
Dernier en date, Panasonic, qui attend une perte nette de 300 milliards de yens (2,6 milliards d’euros) au terme de l’exercice en cours clos fin mars, un premier résultat négatif depuis 2002. En cause, le ralentissement du commerce mondial et la flambée du yen, qui font plonger les exportations, et la baisse des revenus des ménages. Comme dans tous les pays frappés par la crise, les Japonais dépensent moins. Les ventes de la restauration ont reculé de 0,8 % en 2008, celles de la distribution de 2,7 % et le nombre de véhicules neufs vendus en janvier a reculé de 27,9 % à 174 281, le niveau le plus faible depuis février 1968.
Inquiet pour son avenir, le consommateur redoute la hausse rapide du chômage. Les premières vagues de compression de personnel concernent les travailleurs intérimaires, sous contrat ou à temps partiel. Les employés à durée déterminée sont aussi menacés. Si la situation actuelle de l’économie mondiale dure, expliquait en décembre 2008 le président de Honda, Takeo Fukui, « même des salariés à temps plein devront être renvoyés ». NEC prévoit déjà la suppression de 9 450 postes à temps plein, Sony envisage de se séparer de 2 000 salariés en CDI.
Le 31 janvier, le gouvernement a révélé une hausse du chômage de 0,5 point, à 4,4 % en décembre 2008, une progression d’un niveau jamais observé depuis 42 ans. Le ministre en charge de la politique économique et fiscale, Kaoru Yosano, a qualifié la situation de « très sérieuse ». Celui de la gestion publique considère que « les conditions de l’emploi se dégradent à une vitesse sans précédent ».
Hisashi Yamada, économiste de l’Institut japonais de recherche, estime que si le produit intérieur brut (PIB) recule de 1 %, « le nombre de chômeurs pourrait augmenter de 1,5 million d’ici à 2010 et le taux de chômage atteindrait 6 % ». Or la Banque du Japon (BoJ) attend une contraction de 2 % du PIB en 2009.
UNE SOCIÉTÉ MOINS SÛRE
« Pendant les années de crise après l’éclatement de la bulle spéculative, observe Masahiro Ishizuka, de l’université de Waseda, dans une tribune publiée par le quotidien Nihon Keizai, les entreprises ont mené d’importantes restructurations. Mais l’impact de la crise actuelle sur l’emploi apparaît d’une brutalité sans précédent ». En cause à ses yeux, l’augmentation des travailleurs à temps partiel favorisée par les multiples dérégulations du marché du travail. « La conséquence est que la société japonaise apparaît moins sûre, ajoute-t-il, en raison de la vulnérabilité de ces travailleurs qui peuvent être facilement renvoyés en cas de difficulté. »
Face à l’ampleur de la hausse du chômage, les entreprises et le gouvernement semblent désarmés. Le Keidanren, principale fédération patronale japonaise, affirme que la survie des firmes passe par des mesures drastiques en période difficile et se borne à évoquer des mesures de partage du temps de travail. Tokyo prévoit, dans le cadre d’un second budget supplémentaire de 4 786 milliards de yens (41 milliards d’euros) adopté le 27 janvier, des aides aux collectivités locales pour lutter contre la suppression de postes, la création sur trois ans d’1,6 million d’emplois dans les secteurs à fort potentiel de croissance comme la santé ou des subventions aux entreprises qui proposeraient des emplois à temps plein à leur personnel en situation précaire.
Les manifestations de travailleurs renvoyés sont plus fréquentes et elles attirent de plus en plus de monde. Les chômeurs qui, jusque récemment étaient considérés comme des personnes qui ne veulent pas travailler, bénéficient aujourd’hui de la compréhension de l’opinion et les mouvements de gauche attirent de plus en plus de sympathisants. Certains redoutent désormais que survienne une crise politique en cette année d’élections législatives.
Philippe Mesmer
[Le Monde.fr->http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/02/02/la-deterioration-rapide-de-l-emploi-au-japon-menace-la-stabilite-sociale_1149595_1101386.html]