Pour le Japon, la coopération asiatique prend de plus en plus l’apparence d’une bouée de sauvetage. L’annonce, le 16 février, d’un recul de 12,7 % du produit intérieur brut (PIB) au dernier trimestre 2008 et la perspective d’un effondrement similaire au premier trimestre 2009 ont confirmé l’importance de la crise dans l’Archipel.
Le pays est peu exposé aux problèmes des subprimes et son secteur bancaire paraît plus solide qu’ailleurs. Mais la crise ne l’a pourtant pas épargné. Le chômage a augmenté rapidement, de 0,5 point en décembre 2008, pour s’établir à 4,4 %. La consommation des ménages – handicapée par le recul démographique, la baisse des salaires et l’augmentation du travail précaire – a reculé de 0,4 % entre octobre et décembre. Les investissements des entreprises ont enregistré un repli de 5,3 %.
Ces chiffres reflètent la vulnérabilité d’une économie très dépendante des exportations. En décembre, les ventes à l’étranger ont chuté de 35 % ! La baisse a atteint les 36,9 % vers les Etats-Unis, et 36,5 % vers l’Asie. Si les exportations vers les Etats-Unis ciblent le consommateur final, elles vont plutôt, en Asie, à des entreprises qui réexportent vers l’Amérique du Nord et l’Europe.
Ce système, aujourd’hui obsolète, ne remet pas en question les perspectives favorables offertes sur le long terme par les économies émergentes en Asie. A commencer par la Chine. « La part des exportations dans le PIB chinois n’est pas si importante qu’on le dit, faisait remarquer le 17 février au Club des correspondants de la presse étrangère de Tokyo Nobuhiro Tomatsu, président de Global Link Advisor. La consommation et les investissements dans les infrastructures en sont deux autres moteurs performants. »
Les ventes au détail dans ce pays continuent d’augmenter et la hausse de la population active devrait tirer la consommation. « Je pense que la Chine d’aujourd’hui est comme le Japon des années 1970, ajoute M. Tomatsu. Il y a de grands désirs de consommer. Le crédit pourrait y exploser. »
Ces attentes contrastent avec la noirceur des pronostics concernant l’Europe et les Etats-Unis, et incitent le Japon à se tourner vers la Chine, mais aussi vers d’autres pays d’Asie. « La crise offre de bonnes opportunités de renforcement de la coopération régionale », signalait dans un éditorial du 16 février le quotidien économique Nihon Keizai.
« BONNES OPPORTUNITÉS »
Le 13 décembre 2008, un sommet réunissait au Japon les dirigeants chinois, sud-coréen et japonais. La rencontre s’était traduite par un renforcement des systèmes d’échanges de devises et la proposition de création d’un Fonds monétaire asiatique, version régionale du Fonds monétaire international (FMI), une idée plutôt bien accueillie par la Chine. Les participants s’étaient séparés sur le constat d’une région entrée dans une nouvelle phase de coopération financière.
En janvier, lors du sommet nippo-sud-coréen de Séoul, le président coréen, Lee Myung-bak, et le premier ministre japonais, Taro Aso, ont souhaité la relance des négociations en faveur d’un accord bilatéral de libre-échange. Il compléterait ceux déjà conclus par l’Archipel avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), ou encore la participation du Japon à l' »initiative de Chiang Mai », lancée en 2000, sur les aides réciproques entre les banques centrales de la région en cas de crise monétaire.
Il confirmerait, enfin, la volonté japonaise d’aider les économies émergentes d’Asie à surmonter la crise : Tokyo a annoncé qu’il consacrerait à cette aide 1 500 milliards de yens (12,87 milliards d’euros) .
Tout cela se déroule sur fond de course, non avouée, au leadership régional entre Tokyo et Pékin et ne doit pas occulter l’importance du deuxième partenaire commercial du Japon, les Etats-Unis, dont l’Archipel est très dépendant pour sa sécurité.
Philippe Mesmer
[Le Monde.fr->http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/02/23/la-recession-incite-tokyo-a-developper-ses-relations-avec-ses-voisins_1159001_3234.html]