Voilà maintenant un peu plus d’un an que le PDJ est au pouvoir. Nous avons déjà eu droit à un changement de premier ministre (Hatoyama avait réussit l’exploit de passer en 6 mois de 72% de soutien populaire à moins de 20%), le parti à perdu la chambre haute aux dernières élections de juillet, la crédibilité internationale du Japon est mise à mal par sa diplomatie sans cervelle avec la Chine, la récente lutte fratricide entre Kan et Ozawa aurait pu conduire à un deuxième changement de leader et pourtant… Le pays continue à tourner comme si de rien n’était. Business as usual. Pas d’émeutes, pas de mouvements de chômage de masse, pas de révolution. Certes, la situation du pays ne s’améliore pas, mais la Nation japonaise est en mode auto-run. PDJ ou PLD en fait, ça change peu. La capacité d’auto-gestion de ce pays est extraordinaire.
Sauf que, au quantitative easing menée depuis l’éclatement de la bulle s’ajoute maintenant une vraie politique de rigueur. Attention l’une ne remplace pas l’autre : On distribue de l’argent à tout va (prêt immobilier à taux bonifié, défiscalisations diverses, prime automobile…) et en même temps, on coupe les salaires des fonctionnaires et on rationalise les dépenses de l’Etat. Main gauche, main droite, inflation voulue d’un côté, déflation organisée de l’autre… Allez comprendre.
L’acte théâtral le plus populiste, mais aussi le plus impressionnant, du PDJ reste ces fameuses séances de « triage » (jigyo shiwake) durant lesquelles certains responsables du gouvernement s’attaquent en public et sous les yeux des caméras aux dépenses jugées inutiles des différents ministères. Ça, c’est du spectacle ! Have a look.
Les biens de l’Etat et des institutions publiques tombent également sous le coup de cette nouvelle politique de rigueur appliquée désormais à l’échelle nationale. Le nikkei shimbun d’hier publie ainsi un article dénonçant la gestion catastrophique des terrains détenus par 4 universités publiques nippones, Tokyo Geidai, Tokyo Gakugeidai, l’université du Tohoku et celle des Ryuku. 10 milliards de yens de terrains achetés à Ibaraki en 1986 par Geidai pour une relocalisation qui n’a jamais eu lieu, des foyers pour étudiants en plein cœur de Tokyo possédés par Gakugeidai sous utilisés ou encore ces 80 000 m2 de terrains achetés par l’université du Tohoku dans le département de Miyagi pour un centre de recherche qui n’a jamais vu le jour… La gestion immobilière des institutions publiques et parapubliques est une catastrophe.
Heureusement, des mesures sont prises. Les panneaux « terrain public à vendre » se multiplient. On détruit les vieux HLM désertés de la ville et on vend ou on loue ces terrains à travers des baux emphytéotiques pour attirer des entreprises privées qui y construiront des résidences de soins pour personnes âgées ou des crèches, qui manquent cruellement dans le centre de Tokyo. Le Ministère des finances a mis en place un site spécialisé diffusant les informations concernant tous les biens de l’Etat en vente (par un processus de mise aux enchères) sur le territoire, une sorte de France domaine local. Bref, les choses commencent doucement à bouger.
Qu’il s’agisse du Japon en 1991, des Etats-Unis en 2007 ou de la France demain, toutes les plus grandes bulles de notre génération viennent de l’immobilier. Si l’immobilier est à l’origine des maux de nos économies, seul l’immobilier pourra nous en guérir. Le gouvernement japonais semble enfin s’être rendu compte de cette évidence! L’orientation est bonne mais le chemin épineux. La « décennie perdue » pourrait encore prendre 20 ou 30 ans dans les dents avant de s’achever…