Le Japon reste sourd aux protestations qui s’élèvent dans le monde entier pour dénoncer la poursuite de la chasse à la baleine, dont la commercialisation est pourtant interdite autour de la planète, en vertu du moratoire international adopté en 1982. Il faut dire qu’une large part de la population nippone ne comprend pas qu’on veuille la priver d’un de ses mets préférés.
« Pourquoi certains disent-ils que nous ne pouvons plus manger ce que nous avons l’habitude de manger depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale? », s’interroge Koji Shingu, propriétaire à Tokyo d’un restaurant qui propose de la baleine, à l’unisson avec la vieille génération de Japonais.
La pêche à la baleine dans un but commercial est interdite dans le monde, mais les six navires de la flotte japonaise opèrent en Antarctique avec l’aval de la Commission baleinière internationale (CBI), qui autorise la chasse à des fins de « recherche scientifique ». Le Japon prévoit ainsi de pêcher jusqu’à 935 baleines de minke et 50 rorquals communs cette année, et reconnaît vendre une grande partie de la chair après avoir conduit ses recherches.
Les baleines de minke ne sont pas menacées et rares sont ceux qui contestent que leur nombre est de plusieurs centaines de milliers. Mais beaucoup sentent que la recherche scientifique menée par le Japon n’est en réalité qu’une chasse à la baleine masquée, menée dans un but commercial, et qu’harponner ces cétacés en pleine mer est une façon brutale de les tuer.
« Nous traitons avec un ennemi rude et cruel, dont la raison essentielle est d’infliger des souffrances et de donner la mort de façon cruelle à des êtres intelligents, sociables et gentils », explique Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, groupe écologiste radical qui lutte, parfois violemment, contre la chasse à la baleine.
Dans l’autres camp, Makoto Ito, le PDG de Kyodo Senpaku, armateur de la flotte nippone de chasse à la baleine, fait valoir qu’invoquer des images de baleines tuées en mer est injuste parce que mettre à mort des animaux pour se nourrir n’est jamais un très beau spectacle.
« Il y a aussi des scènes de meurtres de vaches et des poulets », observe-t-il. Makoto Ito ajoute que la chasse scientifique faite par son entreprise, en lien avec l’Institut national japonais de recherche sur les cétacés, sert à montrer qu’il y a suffisamment de baleines de minke pour la récolte, un argument qui, selon lui, permet de lever l’interdit sur la pêche à la baleine à visée commerciale.
Mais les allégations internationales selon lesquelles il ne s’agit que d’une chasse déguisée abondent et le Japon est sévèrement critiqué par bon nombre de nations, notamment l’Australie, la Nouvelle Zélande et les Etats-Unis.
De son côté, Sea Shepherd chasse les bateaux de pêche à la baleine à des milliers de kilomètres à la ronde et envoie régulièrement des bouteilles de beurre rance pour interrompre les opérations. En décembre dernier, des bateaux du groupe et un navire baleinier nippon sont entrés en collision.
Cette semaine, les autorités japonaises ont accusé Sea Shepherd de se livrer à des actes « terroristes ». Elles prévoyaient de demander à l’Australie d’interdire l’accès de ses ports aux bateaux du groupe. Le gouvernement australien, farouche opposant à la chasse à la baleine, a d’ores et déjà indiqué qu’il n’en ferait rien.
Les images d’étrangers interférant dans ce qui est perçu comme une pêche traditionnelle a aidé à éveiller un sentiment pro-pêche chez les Japonais. Toutefois, les jeunes générations sont de plus en plus adeptes de viande rouge et de nourriture occidentale, et sans un coup de pouce publicitaire, la pêche à la baleine pourrait bien disparaître d’elle-même au pays du Soleil levant.
[AP et Nouvelobs->http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/international/asiepacifique/20090113.FAP8218/en_depit_des_protestations_le_japon_continue_a_manger_d.html]