Les fabricants de batteries et les constructeurs multiplient les alliances pour se positionner sur le marché de l’électrique. A ce jeu, les Japonais restent pour l’instant, les plus offensifs, face à une concurrence encore timide.
La bataille pour le réservoir de demain a déjà commencé. Alors que les projets de voiture électrique fleurissent sur tous les continents, il ne se passe plus une semaine sans qu’un constructeur ou un équipementier n’annonce une alliance stratégique dans le domaine des batteries. Volkswagen et Sanyo ; NEC avec Nissan et Honda ; Toyota et Peve-Panasonic ; GS Yuasa et Mitsubishi. Cela faisait longtemps que les fabricants d’accus n’avaient pas été autant courtisés… Comment expliquer un tel engouement ? D’abord par le bel avenir électrique promis à nos voitures. Si les modèles mus par la fée électricité ne devraient pas supplanter le règne du moteur à explosion avant longtemps, le secteur automobile devra faire face à une vague d’hybridation sans précédent dans les dix prochaines années. « Toutes les voitures neuves vendues en 2020 comporteront une partie hybride », pense Talman Gymesi, l’auteur de l’étude IBM Automotive 2020.
Problème : face à ce virage majeur, peu d’industriels occidentaux maîtrisent réellement la technologie des batteries, qu’il s’agisse de celle des nickel-métal hydrure (aujourd’hui en cours d’utilisation) ou celle des batteries lithium-ion (encore en test dans l’automobile). multiplier les alliances pour favoriser la demande Au-delà de ce problème de compétences, les constructeurs – surtout les Japonais – tentent aussi un pari sur l’avenir. En mutualisant leurs efforts en termes d’investissement et de recherche, ils espèrent réussir, avec l’aide des Nec, Sanyo et autres Panasonic, à faire baisser le coût de ces batteries. En l’état actuel des choses, et vu les dizaines de millions de dollars d’investissements consentis, les volumes sont trop faibles pour faire des voitures hybrides, et a fortiori des 100 % électriques, un débouché industriel rentable. L’objectif de ces multiples alliances entre constructeurs et fabricants est de faire décoller la demande en déployant, d’ici à 2015, une production de masse qui permettra de réduire les coûts de 75 %.
Toyota et son partenaire Panasonic vont ouvrir une nouvelle ligne de production dédiée aux batteries lithium-ion sur leur site d’Omori. L’alliance NEC-Nissan construit, elle, une usine à Zama (près de Tochigi au Japon), qui lui permettra de fournir 65 000 packs de batteries lithium-ion par an en 2011. Le joint-venture GS Yuasa- Mitsubishi fabriquera, dès 2009, 100 000 packs lithium-ion qui seront, en premier lieu, installées dans la citadine Mitsubishi iMiEV. concurrence encore timide face aux leaders Si les projets foisonnent dans l’archipel nippon, ailleurs, la concurrence demeure timide. Seuls deux Coréens (LG Chem et Samsung), et deux Américains (Saft-Johnson Controls et A123), semblent aujourd’hui en mesure d’affronter les Japonais sur leur terrain. Aucun Européen n’a pris ce virage. Quant aux Chinois, ultra-dominants sur le marché des téléphones portables, ils ne semblent pas encore capables de déployer la technologie lithium dans les voitures. SAIC s’appuie ainsi sur Saft-Johnson Controls pour ses véhicules de démonstration. Il faut dire que le Japon a su préserver son avance. Visionnaire, le pays a tout fait pour se positionner comme le leader du marché en trustant les technologies hybrides et électriques très tôt. L’offensive s’organise, de fait, depuis des années.
Dès 1997, Toyota lançait sa Prius, dotée de batterie nickel métal hydrure, en s’appuyant sur le savoir-faire de Panasonic (lire aussi page 58). Et Honda lui emboîtait le pas en 1999 avec son Insight et le concours de Panasonic pour les batteries. Ces deux modèles furent longtemps les seules voitures hybrides commercialisées dans le monde. Les deux constructeurs ont notamment su profiter du soutien financier indéfectible de l’état. Grassement subventionnée par le Meti, le ministère de l’Industrie, depuis 2001 (et à hauteur de 30 millions par an depuis 2007), l’industrie japonaise de la batterie a déployé, depuis l’an 2000, des efforts de recherche et de développement sans précédent autour de la technologie lithium-ion. Celle-ci est actuellement la seule à pouvoir offrir un rapport performance-encombrement capables de répondre aux attentes futures en termes d’autonomie et de puissance. A force de brevets et de tests grandeur nature, les fabricants nippons ont réussi à maîtriser leur chimie très particulière. Abandonnant volontairement à la Chine et à sa main-d’oeuvre bon marché la fabrication des batteries et des composants de leurs produits électroniques grand public, ils investissent désormais, tous, dans des sites de production automatisés, seuls capables de garantir la fiabilité, la durabilité et surtout, la sécurité de ces batteries. Du coup, les constructeurs du monde entier leur font les yeux doux, cherchant à lier des partenariats qui leur permettront de lancer, à partir de 2010, leurs propres modèles hybrides, puis 100 % électriques. perspectives difficiles A chiffrer Si la bataille technologique et commerciale est engagée, personne n’ose avancer de prévisions. Comme l’explique Franck Cecchi, le directeur opérationnel du site français de Johnson Controls-Saft : « Il y a encore deux ans, on ne savait pas si le marché des batteries allait décoller. Aujourd’hui, on ignore seulement à quel rythme il va le faire. Les perspectives sont difficiles à chiffrer, mais fortes ».
Sur la base, réaliste, de 5 % d’hybrides en 2015, le marché mondial devrait atteindre, au moins, trois millions de voitures. Seule certitude dans ce domaine : tant que le coût des batteries n’aura pas baissé, le marché ne risque pas de décoller. L’oeuf et la poule… L’objectif consiste à abaisser le prix moyen d’une voiture électrique de 18 000 euros en 2010, à 12 000 euros en 2020. Un voeu pieux ? A priori, non. Au-delà des réductions de coûts liés aux économies d’échelle, les progrès de la R et D et l’utilisation de matériaux meilleur marché comme le ferro phosphate pour les électrodes, pourront faire chuter les prix.
Anne Léveillé
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