Avec leur tirage énorme et leur lectorat fidèle, les journaux japonais ont résisté jusqu’à présent aux problèmes financiers de leurs homologues occidentaux, mais une certaine désaffection de la jeunesse les oblige à réfléchir à une stratégie numérique.
La puissante industrie de la presse quotidienne nippone affiche une diffusion totale de quelque 50 millions d’exemplaires par jour, dont plus de 10 millions pour le seul Yomiuri Shimbun, premier quotidien de l’archipel peuplé de 127 millions d’habitants.
Ce total ne concerne que les moutures matinales, la plupart des journaux proposant aussi une édition différente mais plus maigre l’après-midi.
Le tirage n’a baissé que de 6% lors des dix dernières années.
Chaque journal bénéficie d’un système logistique bien rodé, avec une distribution personnalisée par porteurs spéciaux, matin et soir, et une armée de vendeurs d’abonnement arrivant les bras chargés de menus présents.
Les moyens mis en oeuvre sur le volet éditorial sont tout aussi impressionnants, avec des moutures tirées et enrichies au fur et à mesure par des correspondants mobilisés jour et nuit dans tout le pays à l’affut de la moindre information.
Toutefois, bien qu’elles représentent moins d’un tiers des revenus des journaux, les recettes publicitaires ont chuté de 42% en une décennie.
En outre, les jeunes Japonais sont moins avides de l’édition papier, ayant pris l’habitude de l’information immédiate et gratuite accessible sur internet via leur PC ou leur téléphone mobile.
Selon une étude de l’Institut de Recherche sur la Presse du Japon, une majorité des moins de 40 ans juge trop coûteux un abonnement mensuel de quelque 4.000 yens (35 euros) pour un quotidien.
« Le Japon n’a pas encore connu les faillites et problèmes financiers vécus en Occident. Mais les journaux voient la crise poindre », explique Shinji Oi, professeur à l’Université du Japon.
Il estime que la presse nippone doit « trouver les moyens de se refonder ».
Un tel processus est à l’oeuvre aux Etats-Unis, où la chute des rentrées publicitaires a sonné le glas de nombreux titres lors de la récession de 2008-2009.
Pourtant, le groupe Times, gérant le New York Times et d’autres journaux, a fait état d’une croissance à deux chiffres des revenus publicitaires accompagnant ses éditions en ligne, un signe encourageant pour le secteur.
Reste qu’au Japon, les quotidiens affichent une attitude prudente dans le lancement de versions numériques, de crainte qu’elles ne cannibalisent les éditions imprimées, de loin encore les plus rentables.
Le quotidien économique Nikkei a cependant pris le tournant récemment avec une mouture tout en ligne payante, similaire à l’édition papier, combinée à des informations actualisées et exclusives en accès libre ou moyennant paiement.
Lancée en mars, cette version internet, vendue seule ou en complément d’un abonnement traditionnel, avait en juillet 440.000 inscrits et 70.000 abonnés payant, une goutte d’eau face aux plus de trois millions d’exemplaires de la version imprimée du Nikkei, bible quotidienne des milieux d’affaires.
« Nous ne pensons plus pouvoir nous contenter de la seule version papier », souligne cependant Kiyoshi Noma, directeur exécutif adjoint de l’édition internet du journal.
« En faisant cohabiter versions en ligne et sur papier, nous espérons créer un nouveau modèle économique. Mais nous ne sommes pas pressés et prendrons notre temps pour stabiliser le système », ajoute-t-il.
Source: AFP