{{La publication de l’ouvrage d’Adolf Hitler sous forme de manga au Japon ne suscite pas la polémique à laquelle on pourrait s’attendre. Pourquoi cette relative indifférence ?}}
Malgré quelque 45 000 exemplaires écoulés, le manga Waga Toso n’aura pas flirté avec les records de vente au Japon. Il aura néanmoins fait couler beaucoup d’encre. Son titre est en effet la traduction japonaise de Mein Kampf. Son auteur: Adolf Hitler.
En choisissant de publier une adaptation en bande dessinée de l’ouvrage du dirigeant nazi, sans l’aval du Land de Bavière qui détient les droits sur l’ouvrage, l’éditeur East Press a pris un risque calculé. Il l’a fait paraître dans sa collection Manga de Dohuka, « apprendre avec les mangas », une série qui compte déjà Le capital de Karl Marx ou encore Le Prince de Machiavel.
Pour East Press, ce Mein Kampf version manga doit permettre « d’étudier la personnalité d’Hitler » et de « comprendre les pensées qui ont conduit à de telles tragédies ». A la fin de l’ouvrage, l’éditeur appelle même le lecteur à le lire « avec distance et objectivité, de manière critique », « en ayant à l’esprit les drames survenus et la notion des droits de l’homme ».
Cela dit, la parution de ce manga a été accueillie dans une relative indifférence au Japon. Ce qui ne saurait surprendre. La version en texte est déjà disponible en librairie. Mais les Japonais connaissent mal, voire pas du tout, les événements de cette période.
L’enseignement de l’histoire dans les écoles reste en effet pour le moins discret sur les années 1930-40. Dans les classes, on prend bien soin d’arrêter les leçons au début du XXème siècle, avant que le Japon impérial ne devienne l’allié de l’Allemagne nazie.
{{{Le Japon méconnaît Hilter}}}
De ce fait, au Japon – comme dans d’autres pays d’Asie – Mein Kampf ne soulève pas la même polémique qu’en Europe ou aux Etats-Unis. Mal connu, Hitler est même parfois perçu comme un conquérant, une sorte de Napoléon…
Rien d’étonnant donc à ce que l’esthétique nazie se mêle à l’univers du cosplay ou que des motards se pavanent dans les rues de Tokyo, coiffés d’un casque qui rappelle ceux des soldats de l’armée allemande.
Et puis le Japon n’a pas de législation contre les discriminations ou les actes racistes. Il existe toute une littérature – livres ou magazines – qui véhicule des idées révisionnistes ou des clichés sur les immigrés, des Coréens aux Chinois, en passant par les Pakistanais voire les Occidentaux.
L’antisémitisme n’en est pas exclu. En août, le Centre Simon Wiesenthal (CSW) a adressé une protestation au très sérieux quotidien économique Nihon Keizai, tiré tous les jours à trois millions d’exemplaires.
L’organisation basée à Los Angeles déplorait la publication le 2 août d’une réclame de l’éditeur Apple Shuppan. Deux ouvrages sur la crise économique étaient présentés. Leur auteur: Kotaro Nada. Leurs titres: Pourquoi le système financier juif s’est il effondré? et Argent juif : pouquoi sont-ils capables de diriger le monde?. Le tout assorti d’une question: « Est-il vrai que la famille Rotschild contrôle l’économie mondiale? ».
Ce n’est pas la première fois que le Nihon Keizai se fait épingler pour de tels faits. En 1993, le centre Simon Wiesenthal avait déjà protesté contre la parution d’une publicité pour une maison d’édition, qui affirmait que l’administration japonaise était infiltrée par une conspiration juive dont l’objectif était de détruire le Japon.
« {Dans les années 80 et 90, précise sur le site du CSW le doyen associé du centre Abraham Cooper, il y a eu un tsunami de livres évoquant de multiples conspirations, dont certains qui accusaient les Juifs d’être à l’origine des problèmes économiques} ».
Dans sa lettre de protestation du mois d’août, le Centre Simon Wiesenthal appelait le Japon à « {ne pas retrouver le statut d’éditeur numéro un d’ouvrages antisémites} ». Un appel passé plutôt inaperçu dans l’archipel.
[Source : Philippe Mesmer, L’Express->http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/mein-kampf-version-manga-au-japon_789296.html]