Tokyo, c’est le fantasme du voyageur. La mégalopole japonaise est bouillonnante et tellement dépaysante qu’on s’y croirait parfois débarqué en plein film de science-fiction. Mais cette jungle urbaine est aussi miraculeusement sécuritaire, ultra fonctionnelle et si propre qu’on peut y engloutir sans crainte toutes sortes de mets exotiques. Tokyo en 48 heures, c’est un marathon qu’il faut courir en sprint. Go!
Jour 1
6 h 30 : Le marché au poisson
Décalage horaire aidant, je suis déjà dans le métro au milieu d’une mer de travailleurs somnolents. Direction Tsukiji, le marché au poisson.
Réputée incontournable, la visite est proprement hallucinante. Au milieu des chariots élévateurs qui circulent dans tous les sens, on aperçoit des anguilles qui gigotent, des espadons au nez coupé et ces gigantesques thons à la chair rouge vif qu’on s’arrache à la criée pour ensuite les éventrer au couteau. De l’agitation, des odeurs, du vacarme et des couleurs.
S’ensuit un petit-déjeuner, dans un des restos de l’endroit, pour goûter à ce qui pourrait bien être le sushi le plus frais au monde. Génial.
11 h : Les jardins
À deux pas se trouvent les jardins Hama-Rikyu. Avec ses étangs, ses fleurs et ses pins aux formes torturées, c’est l’endroit idéal pour ralentir son rythme cardiaque après la frénésie du marché.
Midi : Le coeur spirituel de Tokyo
Je saute dans la navette nautique qui relie le jardin au quartier d’Asakusa. La balade d’environ 45 minutes sur la rivière Sumida passe sous 13 ponts et permet de joindre l’utile à l’agréable.
Dominé par l’imposant temple bouddhiste Senso-ji, le quartier d’Asakusa est le centre spirituel de Tokyo. À l’entrée, les fidèles plantent des bâtons d’encens dans une espèce d’immense cendrier avant de diriger la fumée vers leur visage.
Impossible de visiter le temple parce qu’une cérémonie s’y déroule. La déception fait place au ravissement quand retentissent les tambours taiko, dont les vibrations vont droit au plexus. S’ajoutent des chants et toutes sortes de cérémonials.
Je finis par m’arracher à la contemplation pour arpenter les sympathiques petites rues du quartier, avant de m’attabler dans un boui-boui qui vend de gros bols de nouilles à prix d’ami.
15 h : Shibuya
Après un long trajet de métro, je débarque à Shibuya comme sur une autre planète.
Cette ville dans la ville semble avoir été conçue avec un mot en tête: démesure. Je passe un long moment, hypnotisé, à regarder les vagues de piétons se croiser dans tous les sens à l’intersection à cinq branches qui fait face à la sortie Hachiko. Au-dessus, les écrans géants crachent des flots de lumière et de décibels. À faire passer Times Square pour un bucolique coin de campagne.
18 h : S’accrocher les pieds au pub
Le plan était de manger rapidement dans un izakaya, ces minuscules tavernes qui se remplissent d’hommes assommés par le travail après les heures de bureau, pour ensuite filer vers les bars du quartier Shinjuku.
Mais le projet ne s’est pas concrétisé.
Ça commence par une grosse bière qu’on vous sert aussitôt que vous vous accoudez au comptoir de l’izakaya. Puis on parvient à commander de petites brochettes de porc. Vos voisins dans la cinquantaine, tous en chemise blanche aux manches relevées, nouent conservation malgré leur anglais rudimentaire. Des harengs marinés apparaissent dans votre assiette; vous payez le saké pour rendre la pareille. Ça se poursuit avec du tofu, des calmars, de la rigolade et encore de la bière. Et ça donne une soirée absolument mémorable qui aura coûté quatre fois moins cher que la seule entrée dans un bar chic de Tokyo.
Jour 2
9 h : Harajuku
Harajuku, c’est le territoire des ados excentriques de Tokyo. Minijupes et bottes de poil, maquillage gothique sur robes de poupées, dreadlocks jamaïcains et chapeaux de cowboy: ici, la marginalité vestimentaire est furieuse et radicale. Certains sont même complètement déguisés en personnages de manga.
Je marche jusqu’à la Watari-Um, une galerie d’art qui expose des artistes comme Andy Warhol et Niki de Saint Phalle. Tout aussi coloré. Petit crochet par Shinjuku-Ouest pour profiter de la vue des tours à bureau gouvernementales du Tokyo Metropolitan. La vision des gratte-ciels qui s’étendent à l’infini, irréelle, permet de mesurer l’immensité de la mégalopole.
15 h : Le sumo
Direction Ryogoku, à l’autre bout de la ville, pour une séance de sumo – en tant que spectateur, évidemment. Les portes ouvrent à 8 h 30, mais l’action commence vraiment vers 17 h avec l’arrivée des meilleurs lutteurs.
Le truc est d’arriver juste avant; on peut alors profiter des meilleurs sièges, encore déserts, même si on a payé son billet 10 fois moins cher.
Le spectacle de ces immenses masses de chair presque nues qui s’entrechoquent est impressionnant, mais aussi indéniablement comique à mes yeux d’Occidental.
19 h 30 : Un régal nommé shabu-shabu
Demandez aux Japonais comment ils font pour obtenir ce boeuf marbré qui fond dans la bouche et ils vous répondront invariablement par la même légende: de la bière et des massages pour les animaux.
Une chose est sûre: le shabu-shabu, de minces tranches de boeuf strié de gras qu’on fait cuire dans un bouillon avant de les tremper dans une sauce au sésame, est un vrai délice.
21 h : Shinjuku by night
Si le quartier de Shibuya représente la démesure, celui de Shinjuku-Est est de la pure folie. Avec ses 60 sorties, la station de métro est une ville à elle seule.
On y émerge pour plonger dans une orgie de néons à couper le souffle; une voiture volante aurait survolé le paysage qu’on n’aurait probablement pas relevé l’erreur.
Arcades, bars, restos, casinos, l’action est partout. On pousse même vers le quartier chaud de Kabukicho, très animé en cette heure tardive avec ses salons de massage et ses bars de striptease. On peut s’y promener en toute sécurité avant d’arpenter la shomben Yokocho, une petite ruelle pleine d’atmosphère où s’alignent des bars grands comme des penderies.
[Philippe Mercure->http://www.cyberpresse.ca/search/search.php?search_author=Philippe+Mercure#haut]
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