Takefuji, la première société de crédit à la consommation du Japon, a annoncé mardi un dépôt de bilan de 5,1 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros), conséquence, entre autres, d’une réglementation devenue beaucoup plus stricte.
Takefuji, que l’on jugeait à risque parce qu’elle n’avait pas l’appui d’une grande banque, a précisé qu’elle avait déposé son dossier de dépôt de bilan auprès d’un tribunal de Tokyo, évoquant des remboursements d’intérêts, un resserrement des normes de crédit et une concurrence féroce.
Le président Akira Kiyokawa et le vice-président Takeru Takei, fils du fondateur Yasuo Takei, ont démissionné à la suite du dépôt de bilan.
Les sociétés de crédit à la consommation ont la vie rude au Japon depuis qu’un jugement intervenu en 2006 les a obligées à rembourser leurs clients, estimant qu’elles avaient eu la main trop lourde sur les taux d’intérêt.
De surcroît, le gouvernement a récemment plafonné ces taux d’intérêt, ce qui n’a fait qu’aggraver leurs déboires.
L’obligation de rembourser une partie des intérêts facturés à la clientèle a déjà conduit à la faillite nombre de sociétés de crédit à la consommation plus petites que Takefuji. Ses concurrentes redoutent que leurs clients ne réclament en masse leurs remboursements, de crainte de ne plus pouvoir toucher leur argent si elles aussi faisaient faillite.
Selon un avocat participant à la procédure de dépôt de bilan, Takefuji s’expose à quelque 2.000 milliards de yens (18 milliards d’euros) de demandes de remboursement d’un trop-perçu d’intérêts émanant de deux millions de clients au plus.
{{{PAS DE GROS IMPACT}}}
Les analystes minimisent toutefois les retombées de la chute de Takefuji sur le secteur financier. « Takefuji a levé la plus grande partie de son capital par l’intermédiaire d’obligations, détenues pour une bonne part par des investisseurs étrangers, surtout des fonds spéculatifs; son dépôt de bilan n’aura donc pas de gros impact sur le système financier », estime Junichi Shimizu, analyste de Deutsche Securities.
Le passif de Takefuji représentait 433,6 milliards de yens (3,8 milliards d’euros) à la fin juin, selon Tokyo Research, dont 135 milliards environ en obligations.
Les transactions sur l’action Takefuji, qui a perdu 56% environ depuis le début de l’année, sont interrompues depuis lundi en raison d’un volume trop important d’ordres de vente.
La Bourse de Tokyo a placé le titre sous surveillance en vue d’une éventuelle radiation qui serait liée au dépôt de bilan.
Les actions des concurrentes de Takefuji sont attaquées. Acom, dont la banque Mitsubishi UFJ Financial Group détient 37% et qui passe pour la plus solide des quatre premières sociétés de crédit à la consommation de l’archipel, a perdu 1,3% mardi. L’indépendante Aiful a perdu 3,3%, tandis que Promise, dont Sumitomo Mitsui Financial Group détient 20%, a cédé 0,9%.
Shinsei Bank, le premier établissement financier nippon sous contrôle étranger, gère deux filiales de crédit à la consommation, Aplus et Lake, qui, à la différence de leurs concurrentes, sont financées par des dépôts.
En se rapprochant des banques, certaines sociétés de crédit à la consommation se sont assuré une source de financement stable, aux dires de Takehito Yamanaka, analyste de MF Global FXA Securities. « Takefuji n’avait pas la contrepartie pour pouvoir faire de nouveaux crédits; d’autres ne sont pas dans une telle situation », dit-il.
{{{À PEINE MIEUX QUE L’USURE}}}
Les sociétés de crédit à la consommation ont prospéré dans les années 1990, l’économie japonaise donnant alors des signes de faiblesse et les banques commençant à freiner le crédit. Elles pouvaient emprunter à des taux très bas, tout en facturant des intérêts de près de 30%, ce qui leur permettait d’absorber des taux de défaut élevés sur des prêts sans garantie.
Le jugement de 2006 et l’intervention de l’Etat ont mis le holà. « Il se peut que les prêteurs doivent augmenter leurs réserves et accroître les dépréciations de leurs fonds propres en conséquence d’une hausse des demandes de remboursement », constate Junichi Shimizu, chez Deutsche Securities.
« Aiful a un matelas de fonds propres relativement plat, comparé à Acom et Promise. Promise est plus faible d’Acom mais le marché pense que SFMG pourrait l’aider à lever des fonds. »
Aiful a échappé au dépôt de bilan fin 2009 en persuadant ses créanciers de reporter le remboursement du principal sur 280 milliards de yens de crédits bancaires environ.
Takefuji a connu des débuts modestes après sa fondation en 1966 pour ensuite devenir la première société de crédit à la consommation du Japon. Son fondateur Yasuo Takei fut classé deuxième fortune du Japon par Forbe’s en 2005, avec un patrimoine évalué à 5,6 milliards de dollars.
Des scandales en série et la condamnation de Yasuo Takei en 2004 dans une affaire d’écoutes de journalistes ont amené l’Etat à s’intéresser de plus près à ce segment financier qui, pour certains experts, pratiquait des conditions à peine meilleures que l’usure. Yasuo Takei est décédé en 2006.
L’offensive de l’Etat sur le crédit à la consommation a culminé en juin avec le plafonnement des intérêts à 20%, contre 29,2% précédemment, et l’instauration de la règle limitant l’endettement des ménages au tiers de leurs revenus au maximum.
Source: [Reuters->http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRLDE68Q1Y820100927]
Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Dominique Rodriguez