Les sorties nocturnes répétées de Taro Aso suscitent une forte désapprobation dans le pays. Surtout à l’heure où la population subit les effets de la crise économique.
Les sorties nocturnes du Premier ministre Taro Aso nous mettent mal à l’aise. Tous les soirs, le chef du gouvernement se rend dans des restaurants ou des bars de grands hôtels en compagnie de ses secrétaires ou d’élus proches. Depuis un mois qu’il est au pouvoir, il n’est rentré directement chez lui que quatre fois. Les hôtels se prêtent parfaitement aux entretiens à l’abri des regards. Comme un établissement possède plusieurs entrées, il est facile de dissimuler ses interlocuteurs. En dehors des rendez-vous officiellement programmés, le Premier ministre doit y rencontrer bon nombre de personnes dont il vaut mieux taire le nom. Dans certains cas, les faits et gestes du premier responsable du pays doivent également rester secrets. Mais cela ne suffit pas à dissiper notre malaise.
Le 19 octobre a été une journée représentative à cet égard. A 15 heures, M. Aso s’est rendu dans un supermarché d’un quartier populaire de Tokyo, où il a passé un quart d’heure à dialoguer avec les clients. Puis il s’est entretenu avec des chauffeurs de taxi de l’état de leurs affaires devant une gare tokyoïte. A 18 heures passées, il a dîné comme à son habitude dans un hôtel avant de retrouver ses secrétaires dans un bar. Enfin, il est rentré chez lui à 22 h 46. Il est probablement allé à la rencontre des gens ordinaires en prévision des prochaines élections générales. Mais sa sortie nocturne a annulé les effets escomptés. Pour une fois, il aurait pu aller au bout de sa démarche.
L’ancien Premier ministre Hayato Ikeda [1960-1964], qui, en 1960, avait jeté les bases d’une grande puissance économique en lançant le plan dit « de doublement du revenu », avait banni de son agenda les banquets en présence d’hôtesses et les parties de golf. « Il pensait sans doute que, pour assumer ses responsabilités à la tête de l’Etat, il devait supporter l’insupportable. De temps à autre, dans notre résidence secondaire de Hakone, on lui donnait de vieilles balles de golf ; il les tapait dans la forêt en criant : ‘M… !' », raconte son épouse, Mitsue, dans Ketsuzoku-ga kataru showa kyojinden [Les grands hommes de l’ère Showa vus par leur famille]. Un autre prédécesseur de M. Aso, Yasuhiro Nakasone, pratiquait la méditation et plongeait dans l’eau glacée pour « chasser de son esprit les pensées importunes et garder son sang-froid ».
Interrogé sur ses sorties nocturnes, M. Aso a déclaré : « Pour moi, les bars d’hôtel sont des endroits sûrs et peu chers. » Chacun a sa propre idée de ce qui est cher ou pas. Mais la sollicitude pour la vie d’un peuple confronté à une envolée des prix et à une crise financière est une qualité indispensable pour un dirigeant. Pour ce qui est de la sécurité, la résidence du Premier ministre [où il a choisi de ne pas habiter] est sans doute le meilleur endroit possible. Récemment reconstruite, elle est suffisamment spacieuse. En outre, en y restant, le Premier ministre éviterait les déplacements du personnel de sécurité. Et il n’aurait pas non plus à redouter que l’afflux de journalistes ne perturbe l’activité des bars et des restaurants. Le stress d’un Premier ministre doit être inimaginable, mais il doit s’abstenir dans la mesure du possible de propos ou d’actes susceptibles de mettre le peuple mal à l’aise. M. Aso doit être davantage conscient de ses responsabilités d’homme public.
Mainichi Shimbun
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