Depuis 5 ans, il contemplait la photo du Mont-Saint-Michel en fond d’écran sur son ordinateur. Mardi, sous les yeux éberlués des touristes, Seiji Uchida, un Japonais paralysé des jambes, a réalisé son rêve de gravir les ruelles sinueuses du site, grâce à un porteur spécial équipé d’un robot à assistance musculaire.
« Le Mont est très difficile d’accès pour quelqu’un en chaise roulante, c’était un rêve d’être ici », confie l’homme de 49 ans, venu pour l’occasion avec sa femme et ses quatre enfants.
« Je souhaite montrer à mes enfants qu’avec un handicap on peut affronter tout ce qu’on veut », explique-t-il en souriant.
M. Uchida, 49 ans, invalide depuis un accident de moto il y a 27 ans, a gravi puis descendu les marches, sur le dos d’un porteur ayant endossé une sorte de combinaison robotique, le robot HAL (Hybrid assistive limb). Placé le long du corps d’une personne, cet « exo-robot » blanc de 25 kilos lui donne des forces surhumaines, lui permettant de porter des charges allant jusqu’à 200 kilos.
Alimentée par une batterie, la structure entoure le dos, suit les jambes et les bras, et est bardée de capteurs détectant le signal d’activation des muscles humains émanant du cerveau. Grâce à des micromoteurs, l’ensemble prend en charge le travail musculaire requis pour porter une masse, marcher ou monter des escaliers.
L’invalide ne peut endosser lui-même le HAL car « il est bloqué au niveau du cou », a expliqué le professeur Yoshiyuki Sankai, qui a développé le robot et compte à terme le commercialiser avec sa firme, Cyberdyne. Le système qui équipe déjà des établissements spécialisés au Japon, a prêté pour l’occasion.
La visite spéciale a démarré sur un Mont désert, à 8h00, avant l’ouverture officielle.
Arrivé au sommet après une lente ascension d’une heure trente, rythmée par quelque pauses, M. Uchida a savouré la vue sur la baie, en riant, « très heureux ».
« Je voudrais que le Mont Saint-Michel reste comme il est et que les handicapés puissent le visiter », a dit celui qui arborait pour l’occasion un tee-shirt portant l’inscription « je n’abandonne jamais ».
L’important, c’est « qu’il puisse regarder le monde à ma hauteur », s’est réjouie son épouse Tomomi Uchida. Le porteur de la montée, en sueur, a assuré pour sa part que tout « allait bien » et qu’il « était très heureux ».
Au retour les commentaires des touristes fusent. « C’est l’homme bionique », « c’est surréaliste », « c’est Robocop », « qu’est-ce que c’est? Un système hydraulique »? D’autres regardent en silence, manifestement interloqués.
M. Uchida, qui est notamment président de l’association de curling pour les personnes handicapées au Japon, ne compte pas en rester là. A son programme : un maximum de visites de sites classés au patrimoine mondial, dont le Macchu Picchu, grâce à des sponsors.
Joyau de l’Occident médiéval, construit sur un îlot rocheux au milieu de grèves immenses soumises au va-et-vient de puissantes marées, entre Normandie et Bretagne, le Mont-Saint-Michel est inscrit au Patrimoine mondial depuis 1979. Le site reçoit plus de 3 millions de visiteurs par an, dont un grand nombre de Japonais.
Pour clore sa visite, M. Uchida a lancé un tonitruant « Merci Mont-Saint-Michel, Banzai ».