Après avoir obtenu la majorité au Sénat, l’opposition japonaise menace de remettre en cause l’alliance américano-nippone en Afghanistan. « Une telle attitude aurait été inimaginable dans le passé », souligne l’Asahi Shimbun.
L’ambassadeur des Etats-Unis au Japon, Thomas Schieffer, a rencontré mercredi 8 août Ichiro Ozawa, président du Minshuto (Parti démocrate du Japon). Il souhaitait obtenir la coopération de ce parti pour la prorogation de la « loi antiterroriste » [instaurant la mission japonaise de soutien aux forces américaines engagées en Afghanistan] qui arrive à expiration le 1er novembre 2007. Lors de la réunion, qui s’est déroulée au siège du Minshuto à Tokyo, Ozawa a ouvertement critiqué la politique étrangère américaine, et ses propos ont largement été repris par les médias.
Une telle attitude aurait été inimaginable par le passé [les deux pays entretenant depuis 1945 des liens privilégiés]. On partait jusqu’ici du principe que la loi serait prorogée plus ou moins automatiquement. Mais la coalition au pouvoir au Japon a perdu la majorité à la Chambre haute lors des élections du 29 juin, et les Etats-Unis ont dû prendre contact avec le Minshuto pour obtenir sa coopération.
Les forces américaines ont envahi l’Afghanistan un mois après les attentats du 11 septembre 2001. L’opération était soutenue par une grande partie de la communauté internationale, et le Japon a envoyé des bâtiments de ses forces navales dans l’océan Indien pour ravitailler en carburant les vaisseaux des pays qui participaient à l’effort de guerre antiterroriste. Les Etats-Unis ont donc tout intérêt à ce que le Japon reste impliqué. C’est pourquoi Schieffer a déclaré à Ozawa qu’il était prêt à lui fournir toute information, y compris des données classifiées, pour parvenir à le convaincre.
Certes, la coalition japonaise au pouvoir a déjà fait savoir qu’elle était prête à communiquer des informations sur les activités des Forces d’autodéfense [FAD, nom que les Japonais donnent à leur armée], et à réviser une partie de la loi. Mais jamais gouvernement n’est allé aussi loin en ce qui concerne les relations nippo-américaines et les questions de sécurité.
Si la loi est rejetée par le Sénat, le gouvernement et la coalition au pouvoir auront toujours la possibilité de la faire adopter à la majorité des deux tiers à la Chambre basse. Mais ce serait une solution de dernier recours. Si la communication d’informations provoque une certaine agitation à la Diète et si ce débat conduit à une modification de la loi, nos relations avec les Etats-Unis en seraient considérablement changées.
Le Minshuto a longtemps exprimé son opposition à la loi antiterroriste. Comme il a remporté les élections à la Chambre haute le 29 juin, il est naturel qu’il entende maintenir cette position. Cependant, il ne devrait pas limiter le débat à cette seule loi. Il devrait profiter de l’occasion pour réexaminer fondamentalement les relations diplomatiques avec les Etats-Unis et aborder entre autres l’invasion de l’Irak.
Au demeurant, on n’a jamais trouvé les armes de destruction massive qui avaient servi à justifier l’invasion, et ce pays est aujourd’hui dans un triste état. Le Moyen-Orient dans son ensemble est devenu instable. De son côté, le Japon a systématiquement soutenu la guerre, mais il n’y a toujours pas eu d’examen rigoureux de l’échec global de la mission.
Il faut rendre publics les détails des activités des Forces d’autodéfense du Japon dans l’océan Indien et en Irak. Que transportent les avions de l’armée de l’air et quels sont les risques de cette opération ? La Diète aurait dû être le centre du contrôle civil, or elle a été ignorée. Il faut rectifier cette situation. Une fois l’examen effectué, la Diète doit déterminer si le Japon contribue à faire obstacle au terrorisme et à empêcher la multiplication du nombre de victimes.
Asahi Shimbun
Source : Courrier international