Yuriko Koike, première femme élue gouverneur de Tokyo, le 31 juillet 2016, n’a pas seulement été ministre de la Défense. En tant que Ministre de l’Environnement sous le gouvernement Koizumi, elle a aussi impulsé le « cool biz ». Lancée en 2005, cette campagne consiste à limiter l’utilisation des climatiseurs et donc les émissions de CO2 en incitant à laisser cravate et veste de costume à la maison. Elle n’a pas tardé à devenir populaire, le terme figurant dans le top ten des termes marquants de l’année 2005, selon le célèbre classement établi chaque année par la revue japonaise The Encyclopedia of contemporary words. Qu’en est-il aujourd’hui ? Cette campagne est-elle efficace ?
« Dans le cadre du cool biz, nous limitons la climatisation. Nous vous remercions pour votre compréhension. » Voilà l’annonce que les clients d’un grand magasin de la région du Kansai pouvaient entendre cet été. Le gouvernement a rappelé, en juillet, les habitudes à adopter pendant les grandes chaleurs. Du 1er mai au 30 septembre, les entreprises et collectivités sont ainsi invitées à ne pas pousser la climatisation en-deçà de 28°C et à inciter les employés et fonctionnaires à porter des vêtements de sport, qui sèchent rapidement et évacuent facilement la transpiration. Mais il existe encore des résistances aujourd’hui. Un sondage réalisé en 2015 par AOKI, entreprise spécialisée dans les vêtements pour hommes, auprès de responsables des ressources humaines nous apprend que près du tiers des responsables des ressources humaines voient d’un mauvais œil la présentation des étudiants candidats en vêtements plus légers.
Des efforts sont également attendus dans les foyers. En plus du nettoyage du filtre des climatiseurs et de l’utilisation complémentaire de ventilateurs, il s’agit de manger des légumes d’été, riches en eau, pour réguler la température corporelle. Par la campagne du « cool share », les Japonais sont par ailleurs poussés à partager des endroits frais pour réduire le nombre de climatiseurs en marche. Ne refroidir qu’une seule pièce dans sa maison ou passer du temps dans un café, une galerie marchande ou une bibliothèque font partie des pistes proposées. Apparue en 2013 dans le département de Chiba, la campagne du « green kâten » consiste à créer des « volets végétaux » en cultivant des plantes grimpantes devant les fenêtres. Histoire de faire d’une pierre deux coups : éviter aux rayons du soleil de pénétrer et de réchauffer les pièces, et déguster régulièrement des courges, dont les gôya, au goût amer.
D’après l’Agence pour les ressources naturelles et l’énergie, durant la période estivale, 58 % de l’électricité est consommée par le fonctionnement des climatiseurs. Un argument de poids en faveur de la poursuite du cool biz. Mais cette campagne est-elle efficace ? Les résultats obtenus par la mairie de Yamagata, ville du Tôhoku entourée de montagnes, qui a connu un pic de chaleur de 40,8°C en 1933, sont par exemple positifs. Depuis 2010, en suivant les recommandations du cool biz, la municipalité a pu réduire de 32 % sa consommation d’électricité. Au niveau national, d’après le ministère de l’Environnement, cette campagne aurait permis de réduire les émissions de CO2 de plus de 2 millions de tonnes en 2012.
Dans tout le pays, les exemples ne manquent pas pour inciter les habitants à limiter le réchauffement, des plus courants aux plus surprenants. Du 1er et 12 juillet dernier, un restaurant de Shinagawa, l’un des 23 arrondissements de Tokyo, a innové en proposant un « cool biz hair ». Le principe était simple : les trois premiers clients à la tête rasée à 3 mm maximum qui se présentaient de 17 à 19 heures ont eu droit à un repas avec boisson à volonté à 48 yens (0,42 euro)… au lieu de 4 800 yens. De quoi refroidir du même coup leur compte bancaire en repoussant le prochain passage chez le coiffeur.