Au Japon, la plupart des touristes se contentent de visiter les villes et parfois leurs proches alentours, ne voyant la campagne qu’en train, ou depuis un hublot. Il est vrai que les villes japonaises sont énormes et regorgent de lieux touristiques, historiques et d’activités. Cependant, l’hyper-attractivité des villes a provoqué un phénomène difficile à enrailler, celui des villages et villes fantômes, dont de nombreux visiteurs ignorent l’existence. Connaître cette réalité permet également mieux comprendre certains aspects de la société japonaise, car elle est révélatrice de nombreux changements.
Ce phénomène présent dans de nombreux pays s’est manifesté au Japon avec le développement économique et productif qui coïncide avec le début de l’ère Meiji (1868). Les entreprises ont été construites proches des côtes et des ports afin de réduire les coûts de transports, poussées à la fois à l’importation et à l’exportation. La tendance s’accroît dans les années 1990, après l’explosion de la bulle spéculative immobilière. C’est la première grosse crise économique moderne du Japon, et de nombreuses personnes quittent les campagnes pour se rendre à la ville, dans l’espoir d’un travail et d’une vie meilleure.
Sous l’influence de cet exode de personnes qui laissaient leurs parents derrière, ainsi que de l’influence des cultures non-asiatiques, la vision japonaise de la famille a évolué. Auparavant, la famille était pensée en système de clans, et trois, voire quatre générations cohabitaient facilement dans une maison. Désormais, l’image qui tend à prendre sa place est l’image occidentale de la famille rapprochée, limitée à un couple avec ou sans enfant.
Si encore de nombreuses familles accueillent les parents d’un des conjoints du couple (souvent du mari), c’est une pratique en baisse, remplacée par la multiplication des maisons de retraite.
Ainsi, la population n’est pas renouvelée et à la mort des parents plus personne n’est là pour reprendre la maison. Les terres ne sont plus exploitées et la nature reprend ses droits.
Mais ce n’est pas là les seules raisons de cet exode rural. Face aux villes, les villages ne sont pas assez attractifs et ne proposent que peu ou pas d’activité pour attirer des visiteurs. Les activités et événements existent, mais ils n’ont souvent pas les moyens de diffuser l’information et de faire grandir l’événement.
La plupart des villes fantômes sont devenues non propices à la vie, soit par manque de moyens de survie, soit parce qu’elles étaient devenues dangereuses. Dans le premier cas, les habitants désertent une zone qui n’offre plus à ses habitants de quoi gagner leur vie. C’est le cas d’anciennes villes construites autour d’un secteur d’activité devenu depuis obsolète, comme l’île de Hashima, semi-artificielle, qui a été habitée afin d’exploiter une mine de houille de la fin du XIXe siècle aux années soixante-dix. Lorsque la mine a mis fin à son activité, la ville s’est vidée de ses habitants. D’autres exemples de villes fantômes construites pour l’exploitation de mines sont les villes de Nichitsu, dans la département de Saitama et Matsuo située à proximité d’une mine de fer du même nom, dans la département d’Iwate.
Mais parfois, ce sont les conditions qui rendent un lieu inhabitable. Pour prendre un exemple plus médiatisé, suite aux incidents des réacteurs de la centrale nucléaire près de Fukushima, une partie de l’est du Japon a été contaminé par des retombées radioactives. Le taux de radioactivité mesuré ayant largement dépassé le taux réglementaire à certains endroits, le Gouvernement avait finalement ordonné l’évacuation de la zone sur plusieurs dizaines de kilomètres, laissant des villes complètement vides (à l’exception de quelques personnes qui ont choisi d’y vivre en dépit de l’interdiction). En début d’année, quelques villes ont levé l’interdiction et essayent à présent de se repeupler. Certains sont prêts à retourner y vivre, mais beaucoup de gens y sont opposés ou ont décidé de déménager et de refaire leur vie ailleurs. Vous pouvez lire notre article dédié à la question.