L’édition connaît une période difficile au Japon. Les ventes d’ouvrages sont en baisse constante depuis au moins deux décennies, tout comme le nombre de librairies. Dans ce monde du livre en crise, les mangas pédagogiques consacrés à l’histoire du Japon font cependant figurent d’exception. Pour comprendre ce phénomène, Japon Infos a interviewé l’historien Hirofumi Yamamoto, professeur à l’université de Tokyo et auteur de la série Histoire du Japon éditée par Kadokawa.
En complément des manuels scolaires, la lecture de mangas pédagogiques est pratiquée depuis longtemps dans l’Archipel. Parue pour la première fois en 1981, l’excellente Histoire du Japon en 23 volumes des éditions Shôgakukan a été réimprimée, après dépoussiérage, en 1998. Plus récemment, d’autres maisons ont mis à jour ou édité leur propre série consacrée à l’histoire de l’Archipel. « Les Japonais sont très intéressés par la longue histoire du Japon, matière qui figure par ailleurs dans certains concours d’entrée à l’université », indique Hirofumi Yamamoto, professeur à l’Université de Tokyo.
« Le succès du film Birigyaru [Flying Colors] a d’ailleurs largement fait connaître le fait que les mangas peuvent être utiles pour les concours », ajoute l’historien. Sorti en mai 2015, il s’agit de l’adaptation du livre intitulé Histoire de la fille la plus mauvaise de l’année qui a augmenté sa valeur de déviation de 40 points en un an et a réussi à entrer à l’université Keiô, paru deux ans plus tôt. Il présente notamment les mangas consacrés à l’histoire du Japon comme méthode d’apprentissage efficace pour les écoliers au niveau scolaire plus faible. Depuis, les ventes de ce type de manga ont été multipliées.
En juin 2015, les éditions Kadokawa ont suivi la vague en sortant leur série Histoire du Japon en 15 volumes, écrit par l’historien Hirofumi Yamamoto. Avec un tirage dépassant deux millions d’exemplaires un an après sa mise en vente, la stratégie s’est avérée payante. C’est que cette maison a su s’adapter à la demande tout en se démarquant de la concurrence. « L’originalité de ces mangas édités par Kadokawa est le fait d’avoir collaboré avec le Studio Ghibli, entre autres, pour l’illustration de la couverture [du volume 15] », indique Hirofumi Yamamoto. « L’éditeur a également fait appel à des auteurs connus pour leur style moderne, ce qui a changé l’image habituelle des mangas pédagogiques », ajoute-t-il. Takeshi Obata, dessinateur du manga fantastique Death Note, a ainsi illustré la couverture du volume 5, et Ranmaru Kotone, auteur du manga adapté du film d’animation à succès Your Name, celle du volume 14.
Mais d’autres ingrédients ont pu participer au succès, comme le choix d’une couverture souple et celui d’une dimension réduite de 20 % par rapport à la taille traditionnelle. L’idéal, pour les jeunes écoliers. « Par ailleurs, dans le cadre de la supervision, l’éditeur a pris en compte les dernières recherches pour réaliser un manga historique de grande qualité, destiné aux écoliers mais également aux adultes », se réjouit Hirofumi Yamamoto.