La princesse Mako, la petite-fille aînée de l’empereur Akihito s’apprête à renoncer à son statut. Et pour cause, elle a trouvé l’amour avec un roturier, Kei Komuro, un de ses anciens camarades d’université. En vertu d’une loi controversée qui ne s’applique qu’aux femmes, la jeune femme de 25 ans a dû faire un choix décisif mais sujet à controverses sur l’avenir du trône.
L’élu de son cœur est un jeune homme de 25 ans employé dans un cabinet d’avocat de la capitale. Le début de leur histoire remonte à 2012, à l’époque où les deux amoureux étudient ensemble à l’International Christian University de Tôkyô. Alors que le Japon se prépare à vivre la première abdication d’un empereur en 200 ans, l’annonce de ces fiançailles, révélée par la chaîne publique NHK, interroge le pays. La princesse Mako sera la première à se marier parmi ses frères et sœurs. Selon la loi en vigueur depuis 1947, les femmes épousant des roturiers doivent abandonner leur place dans l’ordre de succession au trône du Chrysanthème. Ainsi la jeune femme ne pourra pas devenir impératrice, ne fera plus partie de la famille impériale et prendra le nom de son mari. La princesse devrait tout de même parvenir à joindre les deux bouts grâce à une compensation de 890 000 euros.
Une controverse constante
Son futur mariage n’est pas sans rappeler les controverses autour du mariage de l’empereur Akihito lui-même avec une roturière, Michiko Shôda, qui avait alors choqué les conservateurs. En effet, Michiko Shôda est la première épouse d’un membre de la famille impériale du Japon à ne pas être issue de l’ancienne aristocratie. Avec cette union, l’empereur avait entrepris la modernisation de certaines anciennes traditions, notamment pour l’éducation des enfants. Contrairement à la tradition qui voulait que les enfants de la famille impériale soient séparés de leurs parents et leur éducation confiée à des précepteurs privés, les époux avaient décidé dès le départ d’élever eux-mêmes leurs
deux fils et leur fille.
Inquiétudes sur l’avenir du trône
Cette nouvelle fait également ressurgir les inquiétudes sur l’avenir du trône du Chrysanthème et crée le débat sur une remise en cause de cette loi. Un assouplissement des règles servirait à faire croître les chances de voir naître des héritiers masculins. Or à ce jour, le seul garçon de jeune génération à marier de la famille impériale est Hisahito, le frère de Mako, âgé de 10 ans. Le garçon est le seul membre à avoir moins de 50 ans, seuls les princes héritiers Naruhito et Akishino sont encore potentiellement en âge d’avoir d’autres enfants héritiers. Avant la naissance de Hisahito en 2006, le Japon s’était posé la question de la possibilité de permettre à une femme d’accéder au trône. Cela aurait permis à la petite-fille de l’empereur, la princesse Aiko, de devenir un jour impératrice, une perspective qui avait outré les plus conservateurs.
Pour Hideya Kawanishi, maître de conférences à l’Université de Kôbe, c’est la question de la survie de la famille impériale qui devrait primer sur les considérations du sexe de l’héritier : « plutôt que d’anéantir le système de l’empereur, pourquoi ne pas accepter les femmes ou un “empereur maternel” ? Cette discussion devrait avoir lieu. Bien sûr, le gouvernement devrait être prudent sur sa manière de traiter le sujet ». Un sujet délicat en effet, en raison des soutiens de base du gouvernement Abe, très conservateurs. Ces traditionalistes croient fermement à « “l’empereur paternel”. Ils promeuvent surtout l’importance de la famille et leur façon de penser n’a pas évolué depuis la Seconde Guerre Mondiale ».
Qu’une femme puisse devenir impératrice et/ou puisse transmettre la souveraineté dans un proche avenir, cela ne semble toutefois pas impossible à Hideya Kawanishi. Pour ce professeur, il s’agit de dépasser l’écart de perception entre les élites, majoritairement issues de milieux conservateurs et la société japonaise, plus ouverte aux évolutions : « Le soutien envers une impératrice femme est relativement fort dans la société japonaise. À l’heure où les inégalités entre les hommes et les femmes diminuent dans la société, les Japonais se demandent : pourquoi en serait-il autrement pour l’empereur ? Sur la question de l’égalité de droit entre les hommes et les femmes, l’écart se creuse entre le peuple et le gouvernement ».