Au lendemain du premier tour des élections présidentielles françaises, la presse japonaise et ses éditorialistes ont largement salué la probable victoire d’Emmanuel Macron, le candidat libéral et européiste, tout en s’inquiétant de ce que révèle le score de Marine Le Pen. Les éditions du 24 avril au soir et du 25 au matin soulignaient l’élimination des deux grands partis traditionnels, les Républicains et le Parti socialiste, tout en exprimant de nombreuses craintes sur la question de l’Union Européenne.
« Avec Mme Le Pen en deuxième position, le monde est suspendu aux résultats du deuxième tour de la présidentielle française », rapportait le Mainichi. Car pour le quotidien, malgré le soutien des candidats des deux grands partis, la victoire de Macron n’est pas certaine, bien que souhaitable. Avant même le premier tour des élections, l’éditorialiste du Mainichi, Megumi Nishikawa, signait le 21 avril un long article intitulé « Les raisons du soutien à M. Macron ». Pour Megumi Nishikawa, la France, dont la dynamique s’écarte de plus en plus du Royaume-Uni et de l’Allemagne, a besoin d’une déréglementation, de plus de concurrence et de flexibilité du marché de l’emploi. A cet égard, la journaliste estime qu’il faut soutenir Emmanuel Macron, proeuropéen et « ouvert sur le monde ».
Même son de cloche pour le quotidien des affaires le Nikkei qui titrait « Le peuple français pourra-t- il protéger son économie et sa société ? », posant le candidat Macron comme le seul candidat « raisonnable ». Ainsi, le journal a appelé de ses vœux « une décision raisonnable des électeurs français pour que la France ne s’écarte pas de la voie réaliste de l’UE et de la mondialisation ».
Que les Français fassent « un choix sage et démocratique », c’est également le souhait du quotidien conservateur le Sankei. Pour ce quotidien, le Front National est populaire au sein d’une classe sociale qui a peur de la mondialisation. Le moyen d’endiguer le populisme serait que « Macron explique en quoi l’UE contribue à la paix et au développement économique ».
« Le délabrement et la division de la société exposés » titrait le quotidien le Yomiuri, pour qui les résultats du premier tour la présidentielle, tournant important de la politique française, confirment la situation critique de la société française suite à la longue stagnation économique et aux attentats. « Il est indispensable que les forces pro-européennes s’unissent à M. Macron afin d’empêcher la victoire de Mme Le Pen qui causerait des remous au sein de la société et de la politique européenne ».
Enfin, l’ensemble de la presse nippone a rapporté que les marchés financiers ont été « soulagés par les résultats » et que la bourse de Tokyo est repartie à la hausse le 24 avril.
« Un signal d’alarme à entendre »
Le ton et l’analyse du Tokyo Shimbun se démarquent des autres titres de presse lorsqu’il s’agit de tirer les leçons du résultat du premier tour. Le quotidien estime en effet que l’UE doit entendre le signal d’alarme des Français. La victoire de Donald Trump, du Brexit ainsi que les résultats du premier tour de la présidentielle française sont les signaux d’alarme d’une population exaspérée. Le soutien des jeunes à Jean-Luc Mélenchon rappelle le phénomène Bernie Sanders, candidat à la présidentielle américaine. Cela indique que l’Etat ne répond plus à la masse citoyenne, qui s’est complexifiée et diversifiée sous l’influence de la mondialisation. Au lendemain du premier tour, le quotidien comprend désormais que « les mouvements tectoniques de la masse sociale ne vont pas uniquement fracturer les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France, mais aussi prochainement tous les pays développés ». Ainsi, l’UE doit tenir compte du renforcement du sentiment anti-européen et penser rapidement aux réformes nécessaires pour y parer.
Du côté de la classe politique nippone, les élections françaises ont également suscité un vif intérêt, notamment pour le secrétaire général du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, qui a indiqué le 24 avril qu’ils allaient « suivre les développements de près » tandis que le ministre des Finances, Tarō Aso, a affirmé le 25 avril : « L’opinion publique est divisée. Nous ne saisissons pas bien les votes de l’extrême gauche en France. Il faudrait aussi considérer l’impact des attentats de Paris ». Le ministre a profité de l’occasion pour louer « la démocratie japonaise », car « en comparaison des situations américaine et européenne, la stabilité du pouvoir politique japonais constitue une différence remarquable ».