Dimanche 27 septembre, 11 h 52. L’heure était au recueillement sur le mont Ontake, à 200 km à l’ouest de Tôkyô. Il y a exactement un an, la deuxième plus haute montagne du Japon faisait une éruption phréatique, entraînant la mort ou la disparition de 63 personnes. Le plus lourd bilan causé par un volcan dans le pays depuis 1926. Le volcan s’est-il calmé aujourd’hui ? Quelles leçons le Japon a-t-il tiré de ce désastre ?
« L’activité volcanique du mont Ontake réduit progressivement et la possibilité d’une éruption de niveau équivalent ou supérieur à celle du 27 septembre 2014 devient faible », indique l’Agence météorologique du Japon dans son rapport du 25 septembre 2015. Ce constat l’a d’ailleurs amené à abaisser le niveau d’alerte volcanique d’un cran en juin dernier, au niveau 2 sur 5. « Mais l’activité volcanique et les micros-séismes d’origine volcanique, quoique faibles, perdurent », rappellent aussi Shinya Hiramatsu, professeur à l’Université Shinshû. « En plus, en raison de l’entassement des cendres volcaniques suite à l’éruption de 2014, notamment autour du sommet, la possibilité que se produisent des dégâts des sols sédimentaires – suite à des coulées de débris par exemple – ne peut être niée », met en garde ce spécialiste de la protection contre l’érosion. En juin dernier, lors d’une inspection de terrain avant la reprise des opérations de recherche des disparus, l’épaisseur des cendres était encore de 70 cm en haut du volcan. « Par ailleurs, même si les chances sont faibles, on peut penser que la cendre très acide, une fois dissoute en cas de précipitations, pourrait provoquer des dégâts sur les cultures et influencer l’écosystème », ajoute-t-il.
Retour sur les raisons de la catastrophe
L’éruption était peu importante en termes d’aléa, qualifiée de « gentille » sur l’échelle d’intensité des éruptions volcaniques (VEI 1), graduée de 0 à 8. Mais c’est l’ampleur des dégâts aux personnes qui en a fait une catastrophe. Les raisons sont multiples. Ce type d’éruption, phréatique, est quasiment impossible à prévoir. Ensuite, le volcan s’est réveillé au milieu d’une belle journée, un samedi après-midi, fin septembre, dans un pays de tourisme volcanique développé où les habitants sont nombreux à se déplacer pour admirer le rougissement des feuilles d’automne. La météo est en cause aussi : le vent au sommet de la montagne était exceptionnellement faible ce jour-là, ce qui a provoqué une faible dispersion des matériaux. Or la quasi-totalité des victimes proches du cratère ont été tuées par une pluie concentrée de lapillis (morceaux de 2 à 64 mm). Le profil des alpinistes, enfin, est un élément important, car nombre d’entre eux ne semblaient pas expérimentés et certains, peu équipés, ont été pris de panique.
Renforcement des mesures pour éviter un nouveau désastre
Le Japon reste tout de même l’un des pays les mieux équipés et n’a pas tardé à tirer quelques leçons de cette catastrophe. « Depuis l’éruption de l’année dernière, au mont Ontake, on s’efforce d’améliorer les appareils de surveillance et d’observation, tels que les sismomètres et les caméras », indique Shinya Hiramatsu. « Aussi, pour parer à des désastres naturels, qui deviennent importants en taille et très violents, comme les catastrophes volcaniques, on commence à faire des planifications et à prendre des mesures pour sécuriser le territoire », complète-t-il. Cet effort ne se limite pas au mont Ontake. Déjà fin janvier, le département de Niigata avait par exemple prévu d’imposer aux alpinistes qui entrent dans le périmètre de 2 km autour du volcan Yakeyama de renseigner leurs coordonnées et leur parcours, avec une amende supérieure à 50 000 yens (370 euros) à la clé en cas de non-respect. Le système d’alerte a aussi été amélioré. Désormais, les randonneurs et les habitants pourront être prévenus par e-mail et applications pour smartphone lors d’une éruption ou de signes pré-éruptifs (séismes volcaniques, vibrations de l’air). Il reste qu’en mars 2015, une enquête du quotidien Asahi Shimbun révélait que 9 volcans sur les 47 en surveillance permanente étaient totalement dépourvus de réseaux au sommet – 26 l’étant aussi partiellement. S’agissant de l’observation, il est prévu de doubler dans les cinq prochaines années le nombre de chercheurs en volcanologie (environ 80 aujourd’hui selon le ministère de l’Éducation) dans les universités et autres centres d’étude.
D’autres mesures vont suivre. La construction de solides abris près des cratères est par exemple envisagée, à Ontake notamment, et prévue dans les futurs budgets de certains départements. À ce jour, seuls 9 volcans sur 110 en sont pourvus, tels Sakurajima, Aso et Unzen, les trois plus actifs de ces cent dernières années. Les chalets dans lesquels se sont réfugiés les alpinistes lors de l’éruption du mont Ontake en 2014 ont certainement sauvé quelques vies, mais ils n’étaient pas si résistants que cela puisque des roches volcaniques ont transpercé les toits. Or plus un volcan est équipé, plus les touristes, rassurés, seront nombreux à s’y aventurer.
Le rôle important de l’éducation
Se pose alors la question de l’éducation, insuffisante jusqu’à aujourd’hui car principalement effectuée auprès des habitants au niveau local. « Je pense qu’il est indispensable de développer l’éducation pour la prévention des désastres volcaniques et qu’elle soit organisée par l’administration, les associations de tourisme et les clubs d’alpinistes en direction des touristes et des grimpeurs, par exemple à travers des séminaires ou des colloques », préconise Shinya Hiramatsu. « Au moment d’entrer dans la montagne, il est nécessaire de porter des équipements de prévention des désastres, comme un casque par exemple », ajoute-t-il.
Par Jean-François Heimburger, journaliste