TOKYO (AFP) — Au Japon, la haute couture ne se limite plus seulement à la mode mais explore aussi les domaines de la gastronomie, de l’hôtellerie et même des bains thermaux, pour satisfaire une clientèle fortunée et éternellement assoiffée de luxe et de raffinement.
Le Japon, où il est courant même pour une femme de classe moyenne de posséder plusieurs sacs à main de marque, est un des marchés les plus lucratifs du monde pour l’industrie du luxe. Mais il est aussi l’un des plus saturés, poussant les grandes maisons de couture étrangères à se diversifier.
« Jusqu’à présent, les Japonais voulaient des vêtements et des articles de luxe qui durent longtemps. Mais récemment, ils ont pris goût au luxe éphémère », explique Maiko Manji, rédactrice en chef du magazine Elle Japan.
« Les grands couturiers qui offrent des services haut de gamme sont un concept complètement nouveau au Japon », poursuit-elle. « Et les Japonais sautent systématiquement sur tout ce qui est nouveau ».
Ouvrir des restaurants, des cafés, des chocolatiers ou des spas est un moyen pour les groupes de luxe de trouver un second souffle dans l’archipel.
« C’est un chemin naturel pour les maisons de mode sur un marché saturé. Les gens qui se contentent d’acheter des produits sont de moins en moins nombreux », affirme Roy Larke, professeur de marketing à l’Université Rikkyo et éditeur du site internet spécialisé JapanConsuming.com.
« En Occident, les gens achètent une maison ou dépensent leur argent en famille. Mais au Japon, où les logements sont exigus et où les heures de travail sont longues, les gens cherchent des moyens d’apporter de la valeur ajoutée à leur style de vie », explique-t-il.
En novembre, le designer italien Giorgio Armani a ouvert son magasin-phare à Tokyo, un flamboyant immeuble de douze étages au coeur du quartier ultra-huppé de Ginza. Outre une boutique de mode, un magasin de meubles Armani Casa, un restaurant italien et un club privé, il y a installé un spa, histoire de rendre hommage à l’amour des Japonais pour les sources thermales.
« Les marchés changent rapidement, la concurrence est très vive et nous devons être prêts à lutter avec des armes nouvelles », a déclaré M. Armani, 73 ans, dans une interview publiée sur le site internet de son groupe.
Armani souhaite également ouvrir son premier hôtel au Japon, même s’il est encore à la recherche de l’endroit idéal.
Le joailler italien Bvlgari envisage aussi d’installer un hôtel à Tokyo d’ici deux ou trois ans. En attendant, il a ouvert en novembre un magasin-phare ainsi que son premier café sur l’avenue huppée d’Omotesando, à quelques mètres des magasins de ses concurrents français Louis Vuitton, Chanel et Cartier.
« Le Japon est notre marché le plus gros et le plus important. Bien qu’il y ait beaucoup de grands couturiers ici, il y a encore de la place pour grandir », affirme l’un des dirigeants de Bvlgari, Sergio Scudellari.
Chanel avait été l’une des premières maisons de luxe au Japon à diversifier ses activités en ouvrant, en 2004 et toujours à Ginza, un immeuble de dix étages comprenant une salle de concert et un restaurant du chef Alain Ducasse.
Au dîner, différentes formules permettent de s’y restaurer pour entre 17.000 et 22.000 yens (106 et 138 euros), un prix relativement raisonnable pour le quartier, illustrant un autre phénomène : la pression à la baisse sur les prix du luxe provoquée par l’intensification de la concurrence.
« Le monde a énormément changé. De nos jours, les jeunes sont constamment à la recherche de coups de coeur à des prix accessibles », commente Armani.
Les restaurants Armani ou Bvlgari servent des dîners de 8.500 à 20.000 yens (53 et 125 euros). Un traitement d’une heure et demie au spa Armani coûte 45.000 yens (280 euros).
« Même si vous n’êtes pas immensément riche, vous pouvez vous offrir ces plaisirs. Les marques de luxe vont désormais devoir être de plus en plus innovantes et créatives pour attirer les clients japonais », souligne Mme Manji, la rédactrice en chef de la version nippone de Elle.
AFP