TOKYO (AFP) — L’arrivée au pouvoir au Japon de Yasuo Fukuda, soucieux de redresser la popularité de son parti, fait craindre à certains un retour aux dépenses publiques somptuaires et à l’enterrement des réformes au moment où l’économie piétine et la dette explose.
Le patronat n’a pas perdu de temps à exhorter le nouveau chef du gouvernement, investi mardi, à résister à la tentation de la démagogie dépensière, vieille habitude de la deuxième économie mondiale que l’ex-Premier ministre libéral-populiste Junichiro Koizumi (2001-2006) avait promis de combattre.
« Ce n’est pas le moment de faire de la politique clientéliste », a averti le président de la puissante fédération patronale Nippon Keidanren, Fujio Mitarai.
« Nous n’accepterons pas la stagnation politique ni une régression dans les réformes », a affirmé de son côté le dirigeant de l’autre grand syndicat patronal nippon, le Keizai Doyukai, Masamitsu Sakurai.
Alors que l’économie japonaise s’est contractée de 1,2% en rythme annuel au deuxième trimestre et que la dette publique frisait les 185% du produit intérieur brut en 2006, M. Fukuda s’est engagé à « ne pas revenir à l’ère des dépenses incontrôlées ».
Mais sa principale préoccupation est de remettre rapidement en selle le Parti libéral démocrate (PLD), le grand parti de droite spectaculairement battu aux élections sénatoriales de juillet, et qui craint de perdre le pouvoir qu’il monopolise depuis un demi-siècle.
Dans un programme hâtivement rédigé, M. Fukuda a promis de s’attaquer aux disparités sociales et à la paupérisation des campagnes, des maux attribués par les Japonais aux réformes libérales de M. Koizumi.
Il semble également peu pressé d’augmenter la taxe sur la consommation, un des projets de son prédécesseur Shinzo Abe pour réduire l’énorme déficit budgétaire nippon et financer le système de retraites.
Il a aussi gelé un plan pour économiser 100 milliards de yens (620 millions d’euros) par an en pratiquant des coupes claires dans l’aide médicale aux personnes âgées.
Selon les médias, les caciques régionaux du PLD, qui s’inquiètent de perdre les prochaines élections locales, feraient pression sur le gouvernement central pour qu’il augmente les travaux publics dans leurs circonscriptions. Un budget supplémentaire en ce sens serait déjà en préparation.
« Le retour au clientélisme politique à l’ancienne semble maintenant garanti au PLD », s’alarme Glenn Maguire, économiste en chef pour l’Asie à la Société Générale, qui craint « une perte de dynamisme permanente pour l’économie ».
« Le rideau est tombé sur les réformes économiques de l’ère Koizumi et le pouvoir est à nouveau disposé à glisser vers la gabegie des années 1990 », déplore-t-il.
Moins pessimiste, Takashi Omori, économiste chez UBS, souligne que la réformiste Hiroko Ota a conservé dans le nouveau gouvernement le portefeuille de la politique économique et budgétaire qu’elle occupait sous Shinzo Abe, et qu’elle devrait donc faire office de garde-fou en matière financière.
« La composition du gouvernement laisse penser que les risques de dérapage budgétaire sont limités pour le moment », estime M. Omori.
« Ce serait une erreur que de juger trop négativement ce nouveau gouvernement », tempère aussi Richard Jerram, économiste chez Macquarie Securities, selon qui Yasuo Fukuda peut difficilement faire pire que son prédécesseur Shinzo Abe, idéologue conservateur que les questions économiques ennuyaient.
« La politique économique a fait du sur-place ces deux dernières années et il n’y a pas de grand changement à attendre sous Fukuda. Il va peut-être continuer à ne rien faire, mais cela ne sera pas pire », prédit M. Jerram.
Source : AFP